C'est une histoire Cendrillon comme le web en a écrit à quelques exceptionnelles reprises ces dernières années. Il y a quatre ans, Walter Chase revenait tout bonnement du bureau lorsqu'une vieille connaissance l'appelle. Hé!, ça va? Oui oui - dis donc, faudrait que tu viennes nous rejoindre à New York, y'a une des plus importantes étiquettes de disques au monde qui veut nous faire signer un contrat. Quatre ans plus tard, au moment d'entreprendre la première tournée canadienne de son groupe Straight no Chaser, il se pince encore.

Reprenons du début, si vous le voulez bien, Walter. «Je suis un des membres originaux de l'ensemble vocal a cappella Straight no Chaser, qui a vu le jour en 1996 à la Indiana University où j'étudiais. Le projet d'une gang de gars qui se connaissent depuis le collège. On voulait chanter, d'abord pour séduire les filles, pour être honnête.»

L'ensemble vocal est une tradition universitaire surtout présente sur la côte Est américaine et qui manquait à l'université de l'Indiana, nous apprend Walter Chaser. Sorte de club social estudiantin, on se réunit pour répéter et fraterniser, on chante l'hymne national avant les matchs de l'équipe de foot, on monte un spectacle de Noël, voyez le genre. Le répertoire est formé de doo-wop, de jazz vocal, de chansons populaires américaines.

«On a fait ça pendant trois ans, le temps de nos études. On a même enregistré trois albums. Mais après notre diplôme, chacun a pris son chemin. Nous avions arrêté de chanter ensemble, sinon pour quelques événements spéciaux, un mariage, un anniversaire. Le groupe Straight no Chaser, le club social, est resté à l'université alors que de nouveaux étudiants ont perpétué la tradition.»

Rien pour signer un fructueux contrat de disque, en somme, non? Non. Un jour de 2006, Randy Stine, autre membre original, fait le ménage de ses vieilles cassettes et retrouve la captation live, réalisée huit ans plus tôt, de leur interprétation du classique de Noël The 12 Days of Christmas - la version humoristique, réarrangée par un certain Richard C. Gregory à laquelle les gars ont ajouté leur grain de folie. Tout bonnement, il pense à la téléverser sur YouTube.    

Vous devinez la suite. Phénomène viral. Des millions de clics en quelques semaines. Plus de 14 millions à ce jour. Tout ça à l'insu des membres, qui travaillaient tous dans d'autres domaines que la musique. «Randy devrait effectivement avoir une part plus importante des revenus que nous parce qu'il a mis le clip sur YouTube, rigole Chase, mais ce n'est pas le cas. Disons que nous lui sommes tous très très reconnaissants et il le sait», rigole Chase.

Sur ces millions d'internautes émerveillés par la justesse de la performance de Straight no Chaser, un certain Craig Kallman, grand patron d'Atlantic Records. L'ensemble signe un contrat pour cinq albums. «C'était incroyable, rappelle le chanteur. Nous étions restés en contact pendant ces années, mais l'idée de reformer le groupe, d'avoir un contrat et des spectacles, c'était un rêve que nous avions abandonné...»

Sans surprise, les deux premiers furent des disques de Noël, et se sont vendus comme de petits pains chauds chez nos voisins du sud. Le troisième, With a Twist, pousse l'ensemble à faire le grand saut. Y'a-t-il une vie d'artiste après The 12 Days of Christmas et YouTube? Une fois le phénomène viral épuisé, peut-on tenir la route avec des reprises de Tainted Love, Can't Take my Eyes Off of You, Under the Bridge ou Somewhere over the Rainbow - les arrangements de cette dernière copiant ceux de la version du musicien hawaïen Israel Kamakawiwo?ole, soit dit au passage...

«Si tu viens à notre concert, tu noteras qu'on fait quelques chansons de Noël, mais que la grande majorité de notre répertoire est populaire, explique Walter. With a Twist, c'est pour nous l'occasion d'ouvrir nos ailes, de montrer l'étendue de notre talent, du doo-wop à la pop moderne, selon une manière inspirées à la fois de la tradition vocale, mais aussi de groupes plus nouveaux, comme The Nylons.»

«Mais c'est vrai qu'avant de lancer cet album, nous étions nerveux, poursuit-il. Nous avons été étiqueté comme un groupe "de Noël". Mais, nés sur le web, nous sommes très actifs avec notre site web, on échange beaucoup avec nos fans. Certaines de ces chansons nous ont été recommandés par eux. Le projet nous excite beaucoup - on a d'ailleurs très hâte de mesurer la réponse de nos fans au Canada.»

Straight no Chaser donne deux concerts samedi au Gesù; celui de 20h est complet, mais il reste des places pour celui de 14h.