Cette initiation au théâtre japonais aura finalement été une expérience assez marquante.

Après les personnages robotisés de Toshika Okada dans la pièce Hot Pepper..., voici que Daisuke Miura nous présente sa ménagerie humaine dans Yume No Shiro (Château de rêves). Deux pièces qui dépeignent une jeunesse en déroute, dépourvue d'humanité.

C'était certainement l'un des spectacles les plus attendus de la programmation du FTA cette année. À cause de son format singulier et de son contenu sexuel explicite. Si les Anglais ont été choqués par Un peu de tendresse, bordel de merde, de Dave St-Pierre, on se demande bien comment ils réagiront à la venue de Miura...

On entre dans l'univers de Yume No Shiro avec la musique au plancher. Du house japonais, me dit-on, qui s'arrête brusquement pour nous présenter les huit personnages figurants (abondamment tatoués) de ce Château de rêves, qui n'a rien d'un château; peut-être d'un rêve, mais masochiste alors.

La critique française évoquait l'image d'un zoo. C'est précisément de cela qu'il est question.

À l'intérieur d'un petit appartement encombré, derrière un mur vitré, se trouvent les huit personnages, semblables à des animaux en cage. Même leurs déplacements évoquent ceux des primates... Ils boivent, rotent, fument, pissent, regardent la télé ou jouent à des jeux vidéo; ils se battent et ils baisent. Souvent. Dès la deuxième scène, le mur disparaît.

Mais ne vous emballez pas trop, il n'y a aucune scène lascive. Nous sommes face à des hommes et à des femmes qui ne s'adressent jamais la parole. Tout ce qu'ils font, c'est assouvir leurs besoins primaires individuels. Leurs ébats sexuels sont brusques, brefs, exempts de tendresse. Et ont lieu avec la personne la plus proche.

Une scène d'éjaculation au visage nous confirmera qu'il y a quand même du vrai dans ces parties de jambes en l'air.

La pièce d'un peu plus d'une heure, divisée en cinq tableaux, se déroule à différentes heures du jour. À 2h, à 9h, à 15h, à 18h et à 3h. Chaque fois, c'est le même scénario. Manger, baiser, dormir. Et s'abrutir devant la télé. Vrai que ça pourrait être le rêve, si ce n'était finalement aussi pathétique comme vie. À cause du vide.

Parfois, nos bêtes sortent, mais ils retrouvent toujours leur case commune, telle une meute. Avec ses chefs. Les gestes sont lents, précis, impudiques. Malgré ce jeu hyperréaliste, tout est chorégraphié. Le malaise cède le pas à des scènes finalement assez cocasses. Notamment la fille qui sèche ses cheveux compulsivement.

On assiste à au moins deux moments qui pourraient s'apparenter à de la tendresse: un sac de chips lancé à l'une des filles; et une autre qui sanglote au milieu de la nuit. Qui ne donnera lieu à aucune suite. Mais ce n'est évidemment pas suffisant pour redonner une âme à ces jeunes blastés.

Ce vide dans lequel plongent les personnages de Yume No Shiro reflète-t-il une réalité proprement japonaise? Dans une société aussi conformiste que celle du Japon, avec ses tabous et ses non-dits, il est permis de croire que cette déroute des jeunes -face à une situation économique difficile- est une forme de révolte orientale.

Malgré cela, ce cri du coeur pour plus d'humanité fait son chemin. Et fait de Yume No Shiro une oeuvre percutante. Ailleurs, comme ici.

Jusqu'au 11 juin au Prospero.