Au lendemain de son premier spectacle au Centre Bell, fidèle à son habitude, il était tiré à quatre épingles avec des bas vert fluo assortis à son polo au design graphique coloré. Mais ce n'était pas Stromae le personnage qui parlait aux journalistes. Plutôt Paul Van Haver, l'humain, avec tous ses doutes et sa vulnérabilité.

Des journalistes ont pu se réunir en table ronde autour de la star, hier midi, dans un hôtel du centre-ville.

Stromae détesterait lire qu'on emploie le mot «star» pour le décrire. «Je fais mon métier, qui est de faire de la musique et des disques», dit-il.

Un modèle pour la jeunesse, alors? «Jamais de la vie!», a-t-il lancé à un collègue.

Du Québec aux États-Unis

Stromae a dû prier le ciel pour ne pas être malade cette semaine. Lundi soir, il a fait sa première prestation télévisée aux États-Unis à l'émission Late Night with Seth Meyers.Chose rarissime, des sous-titres traduisaient à l'écran les paroles de son tube Papaoutai. «C'était notre volonté», souligne-t-il.

Aussi bien faciliter la tâche aux Américains au lieu de leur reprocher de manquer d'ouverture. «On s'est dit: pourquoi ne pas faire l'effort de les aider à comprendre?», dit Stromae.

Demain soir, le chanteur belge se produira à New York à guichets fermés au Best Buy Theater, qui compte 2100 sièges. Il s'agira du baptême scénique américain de son album Racine carrée. Suivront en septembre des spectacles à Philadelphie, Chicago, Boston, San Francisco et Los Angeles.

Stromae n'a aucune notion de «conquête» en tête. Il veut tout simplement échanger avec «des humains». Il voit néanmoins le défi de toucher un public naturellement moins enclin aux musiques dans une langue autre que l'anglais.

Est-il prêt à faire des compromis, notamment des collaborations (featurings) comme on en voit souvent dans le rap et l'électro? «J'ai un peu peur de l'aspect stratégique des collaborations. Si ça se fait naturellement, pas de problème», répond-il.

Bombe d'énergie

Au-delà de son premier tube Alors on danse, Stromae mise sur une énergie dansante redoutable sur scène. Difficile de croire qu'il peut enfiler deux spectacles comme celui vu au Centre Bell mardi soir.

«J'avoue que je ne le sais pas moi-même... J'ai eu beaucoup d'énergie dès le début avec Ta fête... Je me donnais beaucoup, même plus qu'en général. En même temps, quand il y a un accueil comme ça, il est difficile de ne pas être au rendez-vous.»

Stromae incarne l'essence rassembleuse de la musique pop. Il déteste quand on catégorise ou polarise les gens. Que ce soit les Tutsis et les Hutus du pays d'origine de son père ou les mélomanes connaisseurs en opposition au grand public. C'est notamment ce qu'il exprime dans sa chanson Bâtard.

«Être à droite, à gauche, avec ou contre nous, je ne suis pas obligé de faire un choix», affirme-t-il.

Le chanteur salue le courage des gens qui prennent position, mais ce n'est pas dans son ADN. «Je suis un grand douteux. À peine ai-je terminé une interview que je la regrette. Je crois que je n'aime pas qu'on m'attrape. J'aime bien fuir...»

Stromae explique l'éclectisme de son public par ses indécisions quotidiennes. «Je n'arrive pas vraiment à faire de choix [dans la vie]... Je pige un peu partout et je finis par faire ce qu'on appelle de la pop music... Une espèce de grosse soupe», répond-il.

Rejoindre le plus grand dénominateur commun de gens le rend fier. «C'est un super compliment. J'en ai assez du snobisme. [...] Je n'avais pas envie de faire de la musique de niche, mais de la musique pour les gens.»

Malgré son message universel, Stromae ne chantera pas en anglais de sitôt. «Mon anglais n'est pas assez bon, lance-t-il. Mais surtout parce que ma langue maternelle est la façon la plus spontanée de m'exprimer.»

«Souvent, la raison qui pousse vers l'anglais est le souci de l'international et je pense que c'est une mauvaise raison... pas la meilleure pour la culture», laisse-t-il entendre.

La vulnérabilité de Karim Ouellet

Stromae a découvert Karim Ouellet aux FrancoFolies de 2011, parmi la foule. Trois ans plus tard, il lui offrait d'assurer sa première partie en France et au Centre Bell.

Le point commun des deux auteurs-compositeurs: «la vulnérabilité». C'est ce que Stromae a vu en Karim en spectacle. «Un côté loser dans lequel je me retrouve à fond. Je ne sais pas si c'est propre aux petits pays qui sont à côté des gros.»

«La vulnérabilité, c'est ce qu'il y a de plus honnête», conclut Stromae.