Jean-Louis Murat est un artiste fascinant. L'Auvergnat de 60 ans l'a encore prouvé lors du premier de ses deux spectacles en autant de soirs au Club Soda, il est tout à la fois un auteur qui sert la langue française avec une rare élégance, un musicien intense, peu enclin au compromis, et un chanteur à la voix caressante capable de crier et de mordre.

Mais c'était d'abord et avant tout un show de musique, très rock par moments, qui contrastait encore plus avec les textes pastoraux de son plus récent album Grand lièvre. Murat n'a peut-être jamais été aussi bien servi que dans cette tournée par l'organiste Slim Batteux, un complice omniprésent et essentiel, le nouveau-venu à la tête afro Christophe Mink dont la basse ronde donne un supplément de funk à ses chansons, et l'énergique batteur Stéphane Reynaud, le pilier que Murat embrassera à la toute fin de cette heure et demie forte en vitamines. Trois as qui, comme il nous l'a dit en interview, le suivent à l'énergie.

Murat n'a jamais été le plus bavard des artistes de scène. À part quelques mercis furtifs et un «vous êtes charmants» qu'il a échappé, il n'a parlé que pour annoncer une nouvelle chanson. Il a glissé les inédites Je ne cesse de penser à toi et Je me donne, qui passent toutes deux de l'accalmie à la tempête, parmi huit chansons de Grand lièvre, plus électriques, plus lourdes, plus vibrantes que sur le disque et auxquelles il a greffé de longues intros aussi délicieuses qu'étonnantes.

La passion de Murat pour la musique américaine n'a jamais été aussi évidente qu'aujourd'hui, même si c'est son album précédent, Le cours ordinaire des choses, qu'il a enregistré aux États-Unis. Il me confiait l'autre jour que Dylan et Neil Young lui ont tout appris et il y avait en effet un peu du Young possédé dans son jeu de guitare pendant Les jours du jaguar, qui rappelait davantage Vanilla Fudge par son long passage instrumental nourri à l'orgue de Batteux. Ailleurs, on avait plutôt l'impression d'entendre du soul et du funk à la Booker T. and the MGs.

Les choeurs étaient moins présents que sur Grand lièvre et totalement absents de la version follement énergique de 16h00 qu'est-ce que tu fais? au terme de laquelle les musiciens se sont épongé le visage. On a également eu droit à Alcaline de Bashung, que Murat a fait sienne depuis longtemps, et à une chanson de 1987, Si je devais manquer de toi, plus pop que la moyenne mais elle aussi trempée dans un rock organique.

En début de soirée, Jimmy Hunt et son complice Christophe Lamarche-Ledoux ont revisité les chansons du premier album de Hunt avec goût, imagination et une vigueur (Everything Crash) qui nous a fait oublier qu'ils n'étaient que deux.