Grâce à son inventivité et sa programmation originale, le petit musée privé du Cloître de Bramante parvient à tirer son épingle du jeu parmi les hauts lieux culturels de Rome chroniqués par tous les guides.

Andy Warhol, la dynastie Brueghel ou actuellement les peintres victoriens ont réussi à séduire les touristes, une fois accompli le tour rituel de la Chapelle Sixtine au Colisée. «Et tout ça sans aides publiques», tient à souligner Natalia De Marco, une des directrices du musée rencontrée par l'AFP.

«Nous le faisons pour la gloire, pour se sentir un peu comme Laurent de Médicis (grand mécène, ndlr), plaisante-t-elle. On ne fait pas d'argent avec la culture, il vaudrait mieux ouvrir une pizzéria...»

Situé à deux pas de la Place de Navone, le Chiostro del Bramante résiste avec ses deux à trois expositions annuelles, et surtout grâce à ses activités parallèles, notamment les trois chambres que les Amis du musée peuvent louer dans le Cloître ou encore les évènements d'entreprises.

«Nous nous en sortons de justesse, car nous nous sommes inventé un modèle, avec les services ajoutés sans lesquels nous serions morts», explique Natalia De Marco dans un éclat de rire.

Une présidente et ses trois filles

Le musée possède également une «Académie des petits» pour initier les enfants, accueille des leçons d'anglais, des cours de théâtre et même de yoga!

Il faut être «inventif, explique Mme De Marco, les musées publics se plaignent, mais je ne sais pas comment ils font pour ne pas s'en sortir. Ils reçoivent plein de subventions mais ne savent pas les faire fructifier, parce qu'au fond, ce n'est pas leur argent. Nous nous payons en personne!»

Une exposition ne coûte «jamais moins de 800 000 euros», et quand elle est réussie, la petite structure rentre à peine dans ses frais, explique-t-elle.

Alors, pour attirer le public dans la ville aux cent musées, il faut de bonnes idées, germant dans la direction pyramidale et familiale du Cloître, présidé par une mère et ses trois filles, dont Natalia.

«Le staff est presque entièrement féminin depuis le début, je ne voudrais pas être polémique mais cela nous donne un petit plus», ajoute-t-elle avec malice.

Warhol le cheval de Troie

Après la restauration du cloître Renaissance bâti par Donato Bramante, grand rival de Michel-Ange et architecte du pape Jules II, elles ont loué le bâtiment au vicariat, accolé à l'église Sainte-Marie-de-la-Paix, où se trouvent les célèbres Sibylles de Raphaël, visibles depuis une fenêtre à l'intérieur de la cafétéria du musée.

Les De Marco ont commencé leur aventure par une exposition Andy Warhol, au printemps 1997, en contactant elles-mêmes des collectionneurs américains. «Cela a été notre cheval de Troie, pour amener un peu d'art contemporain à Rome», raconte Natalia De Marco, responsable de la coordination scientifique.

Puis il y a eu Jean-Michel Basquiat, Keith Haring, Joan Miró et l'horizon s'est élargi. Une superbe rétrospective sur la dynastie Brueghel a connu un vrai succès l'an dernier (200 000 visiteurs, selon les chiffres du musée).

Cléopâtre, Rome et l'enchantement de l'Égypte a attiré 180 000 personnes. Les étrangers viennent surtout voir le joyau de la Renaissance qu'est le Cloître, et les Italiens les expositions.

«Nous n'avons pas de collection, notre collection, c'est le Cloître», résume Natalia De Marco.

Ce printemps, le Cloître propose une rétrospective de peintres anglais de l'époque victorienne autour de Sir Lawrence Alma-Tadema (1836-1912) et son chef d'oeuvre, Les Roses d'Héliogabale, où une pluie de fleurs tombe sur les invités de cet empereur décadent.

Ces fleurs figurent même au menu de la cafétéria Les Sibylles (nom de prophétesses divinatoires grecques, ndlr), qui concocte un plat pour accompagner chaque exposition, une autre idée du Chiostro.