«J'ai l'impression que ça décolle. Les achats remontent clairement. Il y a une nouvelle génération de galeristes et d'acheteurs, prête à tout mettre en oeuvre pour s'ouvrir au reste du monde», dit Émilie Grandmont-Bérubé, de la galerie Trois-Points.

«Le marché de l'art auQuébec a longtemps été le pire au Canada à cause d'un manque de connaissance et d'un manque de confiance, mais les choses bougent», ajoute Nancy Rosenfeld, présidente de la Fondation de la Famille Claudine et Stephen Bronfman.

«Depuis longtemps, les anglophones lèguent leurs oeuvres d'art à leurs enfants, renchérit Matthieu Gauvin, collectionneur et consultant en arts. Nous, on ne lègue rien. On va acheter une deuxième maison ou une deuxième voiture avant de s'acheter un tableau. Mais c'est en train de changer. Tous mes clients sont de nouveaux collectionneurs. L'idée du patrimoine familial fait son chemin.»

Les musées montréalais notent aussi une augmentation de l'intérêt pour l'art. «On sent un engouement de plus en plus marqué dans le monde entier et il se fait sentir dans la fréquentation du musée, assure Paulette Gagnon, directrice du Musée d'art contemporain. On voit de plus en plus de collectionneurs troquer leur collection d'art ancien contre de l'art contemporain.»

Le Musée des beaux-arts de Montréal a doublé l'an dernier ses superficies consacrées à l'art contemporain. «Le public vient plus nombreux à chacun de nos événements, dit Nathalie Bondil, directrice et conservatrice en chef du MBAM. Nous aimons les artistes, ils voient cette beauté qui court plus vite que nous, comme disait Picasso. Ils sont notre raison d'exister.»

L'art contemporain québécois se porte mieux que jamais. Signe de son dynamisme, 13 galeries du Québec étaient représentées à New York en mars pour la semaine des foires d'art new-yorkaises. Du jamais vu. Auparavant, c'était à Toronto qu'on achetait la production du Québec. Mais c'est de moins en moins vrai. Les artistes québécois, avec peu d'aide, vendent à New York, Miami et même à Montréal.

Sans parler du succès récent de Papier11 et de la Biennale de Montréal. Papier11 a par exemple vu sa fréquentation augmenter de 45% en un an et les ventes grimper de 39%.

Le blogueur montréalais de ratsdeville, Éric Bolduc, estime, lui aussi, qu'il y a un buzz. «Il y a ARTV, Télé-Québec et son Art sous enquête ou son magazine Voir. Je suis obligé de refuser des informations à ratsdeville tellement il y a de nouvelles en arts visuels à Montréal.»

Le collectionneur Alexandre Taillefer ajoute: «Il semble que l'art contemporain commence son incursion dans la tête des jeunes professionnels. La vibe est bonne. C'est hip de visiter les galeries et de collectionner. Mais, en ce qui me concerne, je trouve qu'i y a beaucoup de redite dans la production québécoise et internationale depuis deux, trois ans.»

La collectionneuse d'art, commissaire et auteure, Lisa Hunter, qui a déménagé de New York à Montréal il y a six ans, est plus enthousiaste. Elle avance même que le marché de l'art contemporain montréalais est devenu plus animé que celui de New York!

«Pour les arts visuels, il y a une ambiance artistique à Montréal qu'il n'y a plus à New York», affirme-t-elle.

Le galeriste Pierre-François Ouellette abonde dans son sens: «On sent qu'il y a de l'intérêt pour l'art de pointe et de recherche, par exemple pour Valérie Blass. Le champ de recherche esthétique est en vogue. Depuis cinq ans, on constate que plus de gens sont intéressés par l'art contemporain québécois. On voit des gens de plus en plus jeunes, dans la trentaine, voire la vingtaine. C'est extrêmement stimulant.»

«Le marché va assez bien, constate de son côté Matthieu Gauvin. La foire d'art contemporain sur papier a fait un bon chiffre. Je réussis à vendre des oeuvres à des gens qui n'en avaient jamais acheté. Il y a même des shows sold out à Montréal ces temps-ci. Mais on reste un petit marché.»

Président de Giverny Capital et collectionneur, François Rochon rappelle en effet que la collection d'art est, aujourd'hui encore, surtout assurée par les institutions. «Mais beaucoup d'entreprises à Montréal ont de grandes connaissances et des collections de qualité, dit-il. Il n'y a pas de collectionneur d'art contemporain sans argent. Au Québec, on est la deuxième génération à avoir un peu d'argent. Il y a donc de plus en plus de jeunes entrepreneurs ouverts d'esprit et ouverts à l'art.»

«Montréal est une place de créativité, avance l'homme d'affaires Stephen Bronfman. On voit la ville changer. Les gens sortent plus, vont manger dans de bons restaurants, boivent de bons vins. La communauté est plus jeune et plus dynamique. Elle en a assez de voir des Marc-Aurèle Fortin avec des arbres sur les murs! Elle préfère voir des oeuvres qui traduisent vraiment son énergie et sa jeunesse.»