La Bourse de Tokyo accuse le premier coup d'arrêt d'une envolée boursière en forme de bulle, au terme d'une semaine particulièrement agitée. L'indice Nikkei s'est effondré de plus de 7 % dans un volume d'échanges record, jeudi, un mini-krach comme on n'en avait pas vu au Japon depuis l'accident nucléaire de Fukushima, en mars 2011.

La correction était inévitable, relativisent certains analystes, alors que la place financière japonaise volait de record en record, dopée par les injections de capitaux de la Banque du Japon. L'indice-vedette de la place financière nippone a bondi de près de 80 % en 6 mois et atteint son plus haut niveau en plus de 5 ans. Il marquait 14 612,45 à l'arrêt des transactions, à l'issue d'une autre séance frénétique, hier.

«Il n'y a eu aucun grave événement susceptible de peser sur les profits des entreprises. La chute de jeudi semble être une correction des montées excessives des derniers temps», de dire Kenji Shiomura, courtier chez Daiwa Securities, en entrevue à l'AFP.

L'opportunité d'empocher les profits s'est présentée avec la publication d'un mauvais indicateur conjoncturel non pas japonais, mais chinois : la production manufacturière s'est contractée en mai dans la deuxième économie mondiale. Un tour de vis de la Banque centrale du Japon est aussi appréhendé, à l'instar de la Réserve fédérale qui a prévenu cette semaine qu'elle fermerait le robinet si la croissance économique américaine se raffermissait.

Les marchés boursiers japonais ont profité grandement de la dépréciation quasi continue du dollar par rapport au yen depuis six mois. Le yen a abandonné le quart de sa valeur depuis novembre face au dollar et l'euro, rendant plus concurrentielles les sociétés exportatrices japonaises.

Depuis le retour au pouvoir d'un gouvernement conservateur, en début d'année, Tokyo mène une politique budgétaire et monétaire expansionniste pour sortir l'Archipel de la déflation et de la stagnation qui l'affligent depuis une quinzaine d'années. Et ça fonctionne. Le produit intérieur brut du Japon devrait augmenter de 2,9 %, et l'inflation devrait atteindre 0,7 % cette année, selon les plus récentes prévisions de la banque centrale.

Les forts soubresauts des titres-vedettes de la Bourse de Tokyo renforcent néanmoins les angoisses des plus pessimistes qui voient dans l'euphorie boursière des derniers mois le signe d'une nouvelle bulle financière. Chose certaine, les investisseurs vont désormais se montrer plus prudents et scruter plus attentivement les progrès de l'économie réelle au Japon.

LA RECOMMANDATION

La chute des cours à la Bourse de Tokyo n'est pas nécessairement la fin du marché haussier au Japon, mais les prochains mois seront beaucoup plus difficiles, croit Julian Jessop, chef économiste de la firme indépendante Capital Economics, de Londres. Ce dernier, qui avait prédit en début de semaine une correction d'environ 15 % du Nikkei d'ici la fin de l'année, s'attend à ce que l'indice composé de 225 valeurs-vedettes largue encore 11 % de sa valeur jusqu'à passer sous les 13 000 points dans les 7 prochains mois. Le yen devrait rebondir entre-temps, «peut-être à l'occasion d'une autre crise dans la zone euro».