Souvent les marchés boursiers font fi des facteurs négatifs, aussi nombreux soient-ils. Malgré les mauvaises nouvelles qui s'accumulent, ils continuent de monter. En jargon boursier, on appelle ce phénomène to climb a wall of worry. Alors que l'on croit que les craintes associées à ces facteurs négatifs vont faire reculer les Bourses, c'est le contraire qui se produit.

Le mois d'octobre semble commencer de façon à perpétuer encore un peu ce phénomène dont on est témoin depuis la fin de l'été 2011.

Les facteurs négatifs continuent de bien faire sentir leur présence. En effet, on a appris au cours des derniers jours que les banques espagnoles auront besoin de 60 milliards d'euros afin de se recapitaliser. Mais aussitôt publiés, ces chiffres ont été mis en doute. Ils reposent sur une prévision de croissance économique négative de 0,5%, ce qui, au dire des experts, est très optimiste. On attend le verdict de Moody's.

On a aussi appris que le taux de chômage de la zone euro a atteint 11,4% en août, un record. En Espagne, c'est 25% des travailleurs qui cherchent un emploi.

En Asie, les conditions économiques demeurent inquiétantes. On vient d'apprendre que l'indice de l'activité manufacturière en Chine est inférieur à 50 pour le deuxième mois consécutif, ce qui indique une croissance négative de l'activité. Au Japon, le rapport trimestriel Tankan de la Banque du Japon a aussi indiqué une nouvelle détérioration de la confiance chez les grandes entreprises manufacturières.

Aux États-Unis, l'élection point à l'horizon et la question du précipice fiscal qui fera tomber l'économie en récession si rien n'est fait d'ici la fin de l'année est déjà au premier plan de l'actualité.

Les inquiétudes n'y peuvent rien

Malgré tous ces facteurs inquiétants, les Bourses montent.

Pas de doute que les marchés boursiers surmontent un mur d'inquiétudes, constatent Ron Meisels, président de Phases&Cycles, firme de gestion montréalaise. En Europe, bien qu'il soit difficile de croire que la crise de la zone euro est résolue, l'indice DAX de la Bourse de Francfort a rebondi de plus de 40% depuis septembre 2011.

Même phénomène aux États-Unis. Malgré des chiffres économiques en général peu encourageants jusqu'à ce jour et une impasse budgétaire qui semble pour l'instant insoluble, le S&P 500 est en hausse de 32% depuis cette date.

Si les Bourses font fi de toutes ces inquiétudes, c'est que les professionnels du placement croient que les marchés recèlent de bonnes aubaines. Et contrairement au public en général qui préfère attendre de voir la solution aux problèmes, ceux-ci veulent devancer les événements et regarnissent leurs portefeuilles depuis l'an dernier, explique M. Meisels.

Ce phénomène n'étonne pas Jean-Luc Landry, président de la firme de gestion de portefeuilles Landry Morin. Surtout aux États-Unis. «Le précipice fiscal constitue en soi une bonne raison de s'inquiéter, mais les professionnels du placement reconnaissent que le fondement de l'économie américaine s'améliore», dit-il. Ils se rassurent du fait que le secteur immobilier a entamé sa reprise. C'est pour cette raison que les marchés surmontent le mur d'inquiétudes.

Quant à l'Europe, Ron Meisels pense que suffisamment d'investisseurs croient qu'on réussira éventuellement à résoudre la crise, ce qui explique l'embellie boursière malgré les facteurs négatifs persistants. «Les dirigeants européens ont réalisé qu'ils doivent coopérer. Ils ne laisseront pas tomber», dit-il.

La Chine pourrait maintenant être le prochain endroit où l'on surmontera un mur d'inquiétudes, croit M. Landry. En effet, la Bourse chinoise a beaucoup baissé. Depuis novembre 2010, le Fonds négocié en Bourse iShares China Index Fund a perdu 27%. La Chine connaît un ralentissement de son taux de croissance économique. Ce pourrait bien être la répétition du scénario qu'on a connu en Europe et aux États-Unis, selon M. Landry. On assistera d'abord à une reprise de la Bourse, même si les données économiques continueront d'être inquiétantes. Et la croissance économique suivra plus tard.