Bell (T.BCE) a joué à fond la carte québécoise en tenant son assemblée annuelle à Québec pour la première fois depuis 1991, jeudi.

Flanqués d'un décor en carton du Château Frontenac, les dirigeants de Bell ont détaillé leurs investissements récents dans la Vieille Capitale. Le conglomérat montréalais y a injecté 240 millions de dollars pour bâtir un réseau de fibre optique dernier cri, en plus d'y commanditer de nombreux événements.

George Cope, grand patron de Bell Canada Entreprises (BCE), a aussi laissé la porte ouverte à de nouvelles acquisitions dans le secteur des médias francophones. Il a toutefois refusé de confirmer les fortes rumeurs voulant que BCE acquière la chaîne généraliste V, six semaines après l'annonce du rachat d'Astral pour 3,4 milliards de dollars.

«Nous sommes pleinement déterminés à clôturer la transaction avec Astral, ce à quoi je consacre toutes mes énergies, a dit M. Cope en marge de l'assemblée. Pour ce qui est du reste, comme on dit dans les médias: restez à l'écoute!»

Avec l'acquisition d'Astral, Bell luttera à peu près à armes égales avec son grand concurrent Quebecor dans le domaine des médias francophones. Les deux groupes se livrent en outre une bataille musclée dans les secteurs de la télé numérique, de la téléphonie et de l'internet. Sans compter leur éventuelle rivalité sportive, qui pourrait se concrétiser si Québec réussit à attirer une équipe de la Ligue nationale de hockey (LNH).

Unilinguisme

Dans ce contexte de concurrence exacerbée, Pierre Karl Péladeau, président de Quebecor, s'en est pris à George Cope la semaine dernière. Pendant une allocution, il a qualifié de «gênant» l'unilinguisme du dirigeant anglophone, en plus de déplorer le fort contingent de hauts dirigeants de Bell à Toronto.

M. Cope a refusé de répondre directement aux flèches décochées par son concurrent, hier. «À la fin de la journée, ce que je dis, c'est que nous gagnons des clients. C'est le test ultime.»

Quoi qu'il en soit, la lutte semble vouée à se corser encore davantage entre les deux groupes. Martine Turcotte, vice-présidente directrice - et lieutenant de Bell au Québec - a souligné que l'acquisition d'Astral ne constituait «qu'un début».

«Pour le futur, notre but est d'accroître, et non pas de diminuer, notre présence dans les médias au Québec, a-t-elle dit en marge de l'assemblée. Ça peut être à travers la croissance d'Astral ou autrement.»

Pendant son allocution devant les actionnaires, Martine Turcotte a insisté sur l'apport économique de BCE au Québec. Le groupe emploie plus de 17 000 personnes dans la province, en plus d'acheter pour 2 milliards en biens et services chaque année, a-t-elle noté.

Rémunération critiquée

L'assemblée tenue hier à Québec - plutôt qu'à Montréal ou Toronto comme à l'habitude - a été somme toute peu mouvementée comparativement à certaines années récentes. Il faut dire que BCE affiche depuis plusieurs trimestres une performance en nette progression, en plus d'avoir relevé sept fois son dividende depuis la fin de 2008, soit 49%.

La rémunération totale de George Cope a elle aussi connu un bond impressionnant. Elle a grimpé de 125% l'an dernier, à 9,6 millions de dollars, ce qui en fait le PDG le mieux au Québec. Une hausse dénoncée au micro par l'actionnaire Émilia Thibault. «On peut juste manger un steak à la fois... Je me demande bien ce qu'on fait avec 9 millions par année.»

M. Cope n'a pas répondu à cette critique devant l'assemblée. Un peu plus tard, il a fait valoir à La Presse Affaires que son salaire était déterminé par le comité de rémunération du conseil. «Le seul commentaire que je peux formuler aux actionnaires est que je suis un investisseur important de Bell, j'ai beaucoup d'actions de Bell dans lesquelles j'ai investi mon propre argent.»

BCE a fait état hier d'un bénéfice net en hausse de 14,1% au premier trimestre, à 574 millions (74 cents par action). Les revenus ont grimpé de 9,9%, à 4,9 milliards.

Le groupe a franchi le cap des 3 millions d'abonnés à l'internet. Et George Cope a indiqué que les résultats préliminaires de la télé Fibe à Québec sont 250% plus élevés que ce qu'attendait l'entreprise pour les 60 premiers jours.

Drew McReynolds, analyste chez RBC, a indiqué que les résultats étaient «légèrement meilleurs» qu'espéré grâce aux marges tirées du sans-fil. Le titre de BCE a clôturé à 40,31$ hier à la Bourse de Toronto, en hausse de 1 cent.