La promesse des pays du G7 de tout faire pour assurer la stabilité financière mondiale n'aura finalement rassuré personne. Les places boursières de la planète ont connu un décrochage en règle, hier, poursuivant leur débâcle de la semaine dernière.

Et les yeux sont maintenant tournés vers la Réserve fédérale américaine (Fed), qui tentera à son tour aujourd'hui d'injecter un peu de confiance dans un marché qui a perdu la foi.

«J'ai bien hâte de voir ce que la Fed va dire demain (aujourd'hui). Au bout du compte, c'est seulement elle qui peut maintenant restaurer la confiance dans les marchés», croit Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint à la Banque Laurentienne.

Le weekend n'aura pas suffi aux investisseurs à digérer la décision de Standard&Poor's d'abaisser la cote de crédit des États-Unis. Dans un marché déjà en déroute, la nouvelle est tombée comme une bombe.

Aux États-Unis, le Dow Jones a cédé 634,76 points ou 5,5% pour clôturer à 10 809,85 points. L'indice de référence S&P 500 est tombé de 79,92 points ou 6,66% pour finir à 1119,46 points, tandis que le NASDAQ encaissait une baisse de 6,90% pour clôturer à 2357,69.

Rien de plus reluisant chez nous, où l'indice de la Bourse de Toronto, le S&P/TSX, a reculé de 491,21 points ou 4% pour atteindre 11 670,96, son plus bas niveau depuis décembre 2008. Le secteur des ressources a particulièrement écopé avec un recul de 7,2%. Suncor, Canadian Natural Resources, Teck Resources et Lundin Mining font partie des entreprises les plus touchées.

Seul l'or a pu conserver son titre de valeur refuge. Son prix a atteint un nouveau record de 1716$US l'once, en hausse de 64$US. À Toronto, des entreprises comme Barrick Gold et Goldcorp en ont profité, enregistrant certains des rares gains observés hier.

Plus tôt, les indices européens avaient aussi clôturé en forte baisse. Le baril de pétrole, qui avait perdu 8$US la semaine dernière, a encore plongé de 5,57$US pour clôturer à 81,31$US.

Même le huard, habitué à voler haut dans la tempête, n'a pas résisté. La crainte d'un ralentissement mondial et d'une chute de la demande pour les ressources lui a fait perdre 1,25 cent US, pour un prix de clôture à 100,99 cents US.

Le président Barack Obama a contesté la révision à la baisse de la note de crédit américaine, affirmant que les États-Unis «avaient toujours été et seront toujours un pays triple A».

De passage au Brésil, le premier ministre canadien Stephen Harper a invité à ne pas céder à la panique.

«Indépendamment de la fragilité de l'économie et des forts vents de face qui existent, nous croyons que la reprise graduelle peut continuer», a-t-il dit.

«Au bord du précipice»

Selon Jimmy Jean, économiste principal au Mouvement Desjardins, la crainte est maintenant de voir les États-Unis et le reste de la planète replonger en récession, alors que les gouvernements sont à bout de souffle après avoir porté l'économie mondiale à bout de bras depuis 2008.

«Ce serait comme si on retournait au combat avec un soldat en moins», compare M. Jean.

«On n'est pas encore là. Le marché panique peut-être un peu», dit-il toutefois, soulignant notamment que les entreprises américaines enregistrent de bons résultats.

Selon Stefane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale, les investisseurs ont cependant raison d'être inquiets.

«La décote d'une monnaie réserve, on n'a pas vu ça dans l'histoire économique moderne. On vient rajouter une incertitude supplémentaire dont on connaît mal les ramifications», dit-il.

«On est au bord du précipice, ça, c'est clair», renchérit Sébastien Lavoie, de la Banque Laurentienne, qui juge la possibilité de voir l'économie américaine retomber en récession à «quelque part entre un tiers et 50%».

La crainte de Stéphane Marion serait maintenant que les politiciens américains ne s'entendent pas sur des réductions de dépenses supplémentaires. Si c'est le cas, un mécanisme de coupes automatiques se mettrait en place, ce qui risquerait de plomber sérieusement la reprise américaine.

«Est-ce que les politiciens américains pourraient précipiter le déclin de l'économie par le truchement d'une ponction trop grande causée par une mésentente? Ça semblait impossible, mais c'est maintenant un scénario plausible à la lumière des difficultés observées pour augmenter le plafond de la dette», dit M. Marion.

Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale, s'exprimera aujourd'hui. Selon les experts interviewés par La Presse Affaires, il est peu probable qu'il annonce des mesures musclées pour l'instant, mais il devra manifester son intention d'intervenir si les choses continuent de dégénérer.

«Le problème, souvent, avec les décideurs, c'est qu'ils ne sont pas aussi émotifs que les investisseurs. J'ose espérer que la Fed n'arrivera pas avec un discours trop glacial et désincarné, parce que les investisseurs ont vraiment besoin d'être rassurés», dit Sébastien Lavoie, de la Laurentienne.