L'Autorité des marchés financiers du Québec (AMF) a, techniquement, le pouvoir de bloquer la transaction par laquelle les Bourses de Montréal et Londres fusionneraient, a prévenu hier le ministre des Finances Raymond Bachand. Il n'est pas question de menacer qui que ce soit, mais cette capacité pèsera dans les discussions qu'auront le gouvernement du Québec et les deux sociétés - les groupes TMX et LSE - qui veulent fusionner, a-t-il assuré.

Lors de l'attribution à Toronto du monopole des négociations des actions, il y a 10 ans, le gouvernement du Québec avait demandé et obtenu un droit de veto. Ce «pouvoir de blocage» intervient sur toute transaction touchant plus de 10% des actions de la Bourse de Toronto, rappelle-t-il. «Techniquement, on a ce pouvoir et c'est suffisamment fort pour s'assurer que les engagements pris soient respectés», a noté M. Bachand.

Le ministre a aussi salué au passage une intervention de l'ancien premier ministre péquiste Bernard Landry à l'effet qu'il faut vérifier s'il y a des avantages possibles avant de refuser une transaction.

Le PQ dit non

Le critique du Parti québécois, Jean-Martin Aussant, était plus catégorique hier, exigeant que le gouvernement bloque la fusion des deux Bourses. «En 2008, Jean Charest et son gouvernement ont laissé filer la Bourse de Montréal en Ontario sans rien dire. L'avenir du secteur financier de Montréal sera décidé de Londres si le gouvernement ne s'oppose pas à cette transaction. Il a le pouvoir de bloquer cette transaction, qu'il s'en serve», a tranché le député péquiste de Nicolet-Yamaska.

Selon lui, le gouvernement Charest devrait sur-le-champ donner à l'AMF l'ordre très clair de ne pas reconnaître la nouvelle entité.

Consultation de l'AMF

Le ministre Bachand avait annoncé plus tôt à l'Assemblée nationale que l'AMF aura le mandat de mener dans les prochaines semaines une consultation des milieux financiers québécois sur ce projet de fusion.

Québec ne voudra pas que l'AMF tarde trop à réaliser sa consultation: il faut donner le temps aux groupes de préparer leurs mémoires, mais tout devrait être bouclé avant mai prochain.

Dans les coulisses, on convient que le droit de veto de l'AMF est plutôt théorique, mais ces dispositions très claires peuvent donner un avantage aux décideurs québécois dans la dernière ligne droite des négociations.

Les textes juridiques seront accessibles dans les prochaines semaines prévoit M. Bachand, mais les engagements publics des deux Bourses confirment le rôle de Montréal pour les transactions de produits dérivés.

«Il faut s'assurer que la place de Montréal ne soit pas seulement protégée, mais que cette transaction serve de tremplin», a soutenu le ministre Bachand, pour qui l'enjeu principal de la transaction reste la place que pourra conserver Montréal comme plaque tournante pour les produits dérivés.

«C'est une transaction très importante pour les marchés financiers. Lundi après-midi, les présidents des Bourses de Londres et Toronto sont venus nous rencontrer pour expliquer la transaction» a dit le ministre.

Montréal «deviendra le centre pour le groupe fusionné et les affaires de produits dérivés mondiales et globales» a-t-il ajouté, en faisant lecture de la documentation fournie en marge de la transaction.

En outre, le Québec pourrait bénéficier du fait que la Bourse de Londres a elle aussi un marché de produits dérivés qui pourrait être géré de Montréal. En terme concrets, toutefois, «on ne parle pas d'une nouvelle tour au centre-ville», mais le rôle de Montréal dans ce marché pourrait s'en trouver consolidé, ont indiqué à La Presse des sources proches des tractations,

Mais pour le député Jean-Martin Aussant, ces engagements de la part des groupes qui ont intérêt à ce que la transaction se réalise ne sont pas surprenants. Pour lui, le Québec n'a rien de bon à attendre de la fusion de ces deux Bourses, qui amènera le centre de décision encore plus loin du secteur financier québécois concentré à Montréal.