Comme l'an dernier, La Presse Affaires demande à quatre stratèges d'exposer comment ils répartiraient une mise de 50 000$ destinée à un REER. Nous reprendrons rendez-vous avec eux au début de chaque trimestre pour rajuster analyses et répartitions.

Cette année, les marchés boursiers nord-américains devraient bien faire, surtout au cours du premier semestre qui correspond au gros de la phase de reprise du nouveau cycle économique amorcé au cours de l'été.

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«Nous restons très optimistes pour 2010, même si on ne peut s'attendre à des rendements aussi forts qu'en 2009, lance d'entrée en jeu Pierre Lapointe, stratège adjoint à la Financière Banque Nationale. L'année sera marquée par le retour des bénéfices des entreprises. On parle de croissance des profits de 25% des deux côtés de la frontière.»

«Il reste encore de 10% à 15% de rendement à aller chercher sur le marché boursier, renchérit Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux. On passe de l'attente de la reprise à sa confirmation. On la verra dès que les États-Unis vont se remettre à créer des emplois.»

De plus en plus d'observateurs croient que cela se manifestera plus vite que prévu. En novembre, l'économie américaine en avait détruit quelques milliers seulement. Vendredi, on saura si la tendance s'est enfin inversée en décembre.

«En 2010, la catégorie d'actif qui sera la plus frappée, ce sont les obligations gouvernementales, note Luc Girard, directeur des services aux particuliers chez Valeurs mobilières Desjardins. La croissance économique va entraîner une hausse des taux d'intérêt, ce qui n'est jamais bon pour les obligations.»

Autres scénarios

François Bourdon, vice-président, répartition de l'actif, chez Fiera Capital, estime quand même à propos d'y placer 40% de sa mise au premier trimestre. «Le consensus mise sur un premier semestre boursier fort à cause de la reprise des profits. Nous n'y croyons pas particulièrement. On attribue deux chances sur cinq à ce scénario.»

Trois autres voies sont possibles.

Dans la première (une chance sur quatre), la reprise mondiale est plus forte que prévu, ce qui favorisera le Canada, grand producteur de ressources de biens industriels (or, potasse, aluminium, etc.)

Dans la seconde (une chance sur quatre aussi), c'est le contraire. L'économie nord-américaine rechute aux deuxième et troisième trimestres à mesure que s'essoufflent les stimuli gouvernementaux.

Enfin, M. Bourdon n'écarte pas une crise des devises pouvant être déclenchée au Japon, qui n'arrive plus à financer à l'interne sa dette colossale.

Voilà pourquoi il est le seul de nos quatre experts à placer plus de la moitié de son portefeuille dans les titres à revenus fixes.

MM. Girard et Lapointe sont à l'autre bout de l'échiquier. Le premier aime bien les actions canadiennes. «L'économie mondiale est tributaire de l'ensemble BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), pense le premier. C'est très positif pour le Canada et pour sa monnaie. On risque même une perte de change dans nos placements aux États-Unis.»

Pierre Lapointe croit que les titres dans l'énergie, la consommation discrétionnaire et les technologies vont mieux faire, comme c'est généralement le cas en début de cycle. «Ces titres pèsent 45% dans l'indice S&P 500 et plus de 35% dans le S&P/TSX. Cela fait de l'Amérique du Nord une place de choix pour investir.»

Vincent Delisle est lui aussi très investi en actions. Il croit cependant que l'année en cours sera à l'inverse de 2009. Il la terminera avec moins d'actions qu'il n'en a maintenant, au profit de l'encaisse. «Les obligations vont connaître une deuxième année décevante. Les titres gouvernementaux devraient dégager un rendement négatif.»

Cette opinion fait l'unanimité de nos experts. Les banquiers centraux n'auront d'autre choix que de serrer la vis.

Une fois réglée la crise financière, force est de constater que la sortie de récession est classique. Elle sera marquée par une forte reprise initiale, suivie par des hausses de taux d'intérêt qui viendront ralentir l'expansion.

Des rendements convaincants en 2009

Malgré des différences d'analyse marquées, nos quatre experts sont parvenus à dégager des rendements appréciables l'an dernier.

Bon premier, Luc Girard avait misé sur un retour graduel dans les marchés boursiers après s'être réfugié massivement dans les titres à revenus fixes en début d'année. Cette stratégie aura été fructueuse puisque le creux des marchés boursiers nord-américains est survenu en mars alors que le gros du rendement obligataire a été généré en début d'année.

Pierre Lapointe et Vincent Delisle, qui ont dégagé un rendement similaire, ont bien senti l'ampleur du rebond. Le premier le croyait possible dès le premier trimestre, ce qui lui a causé un départ plus lent. Le second a géré en ayant en tête de garder une forte pondération en obligations quand les nuages sont encore épais à l'horizon économique.

M. Bourdon a très bien saisi le rebond du deuxième trimestre. Il aura cependant sous-estimé l'efficacité des politiques monétaires pour rétablir la confiance des investisseurs. «On croyait que la détente n'aurait pas un impact si rapide et si prolongé. Voilà pourquoi nous étions surpondérés en titres en revenus fixes.»

C'est encore un peu son credo.

PERFORMANCE INDICIELLE EN 2009

Bons du Trésor 0,36%

Indice obligataire DEX UNIVERS 5,41%

Actions canadiennes S&P/TSX 35,05%

Actions américaines S&P 500 7,40%

Europe Asie Extrême-Orient MSCI 12,49%

Marchés émergents MCSI 52,03%