Le salon aéronautique de Farnborough, dans la banlieue de Londres, a consacré l'omnipotence des deux géants Airbus et Boeing qui se sont taillé la part du lion en termes de commandes et poussent leur avantage dans le numérique et les services, afin d'endiguer la concurrence à venir notamment chinoise.

Airbus et Boeing ont annoncé pour plus de 150 milliards de dollars (129 milliards d'euros) de commandes au prix catalogue au cours du salon, avec un avantage pour le géant de Seattle. Loin de les affaiblir, la rivalité qui oppose les groupes a ainsi scellé le duopole autour des deux constructeurs au détriment de leurs anciens rivaux désormais partenaires.

«L'histoire continue et malgré un carnet de commandes de plus de 6000 avions sur le segment monocouloir on continue à prendre des commandes très importantes», s'est félicité Guillaume Faury, le patron de la branche aviation civile de l'européen Airbus. L'avionneur a revendiqué jeudi 431 commandes depuis le début du salon.

«Vous n'avez pas vu un tel nombre de commandes depuis un moment», a déclaré Ihssane Mounir, le vice-président commercial de Boeing. L'Américain a revendiqué 673 commandes dont 145 étaient déjà dans son carnet de commandes.

Le salon ouvert au public en fin de semaine se termine dimanche, mais l'essentiel des commandes a déjà été annoncé.

Embraer, avec lequel l'Américain Boeing a annoncé un partenariat grâce auquel l'avionneur américain s'empare de la totalité des activités civiles de l'avionneur brésilien, a fait bonne figure avec une quinzaine de milliards de dollars de commandes pendant le salon.

Bombardier a quant à lui profité de son alliance avec Airbus autour du programme C Series, rebaptisé A220 pour intégrer la gamme de l'européen, pour annoncer une nouvelle commande d'une compagnie américaine, dont le nom n'a pas été révélé, pour 60 A220-300 au prix catalogue de 5,5 milliards de dollars (4,7 milliards d'euros). Elle s'ajoute à une autre commande avec l'américaine JetBlue pour 60 A220 pour un montant équivalent, annoncée avant le salon.

Les motoristes, qui tirent parti de ces commandes dans le sillage des avionneurs, sont les autres gagnants du salon mais ils ne dévoilent pas toujours les montants de ces contrats, dont les profits sont liés à la maintenance et aux services. Le prix du moteur équivaut à la moitié du prix de l'avion sur son cycle de vie, soit 25 à 30 ans.

Forts de leur puissance industrielle, les deux géants entendent à présent profiter de la croissance du marché au cours des 20 prochaines années pour accélérer dans les services, et parachever la révolution numérique dans laquelle l'industrie s'est lancée.

Grâce à la gestion en temps réel des données des avions en fonctionnement, ils comptent maintenir leur avance technologique et compétitive pour réduire les coûts de production et d'exploitation de l'avion.

Concurrence écrasée

Tous deux prévoient un doublement de la flotte mondiale d'avions d'ici à 2037. Au total et en y intégrant les services, «nous prévoyons une demande totale de 15 000 milliards de dollars (quelque 12 900 milliards d'euros)» d'ici à 2037, a souligné Randy Tinseth, le vice-président chargé du marketing du géant américain lors du salon.

Cela représente un besoin de 42 730 avions neufs selon Boeing, pour 6300 milliards de dollars (5400 milliards d'euros), et de 37 390 avions neufs selon Airbus, pour 5800 milliards de dollars (5000 milliards d'euros). Les deux rivaux sont au diapason, seule la différence de périmètre explique cet écart.

En moyenne, cela représente une production annuelle d'environ 2000 avions. Or Airbus et Boeing livrent déjà à eux seuls les trois quarts : 718 pour Airbus en 2017 et 763 pour Boeing. Ils prévoient d'atteindre ou dépasser les 800 cette année, soit plus de 1600 avions, et l'Américain promet même plus de 900 livraisons à la fin de la décennie.

En dépit des difficultés rencontrées par Airbus autour de la livraison de moteurs, il est parvenu à atteindre ses objectifs de livraison ces deux dernières années.

Pour atteindre ces nouveaux objectifs, tous deux ont engagé une montée en cadence de production d'avions qui laissera peu de place à la concurrence à venir, russe mais plus particulièrement chinoise, pour percer.

Le Chinois Comac vise une entrée en service au cours de la prochaine décennie de son C919, présenté comme le futur rival des A320 et 737 sur le moyen-courrier, mais il est déjà en retard de plusieurs années sur le calendrier initial. Il entend aussi mettre au point en commun avec les Russes un long-courrier, surnommé C-929, à un horizon plus lointain.

Airbus et Boeing s'affrontent sur les commandes

Airbus et Boeing s'affrontent dans le match des commandes à Farnborough (Royaume-Uni). Au quatrième jour du salon de l'aéronautique, jeudi, l'avionneur européen avait annoncé des accords pour un total de 70 milliards de dollars et son concurrent américain pour 90,5 milliards.

AIRBUS

Le groupe européen a annoncé avoir signé des engagements pour 35 A350, le dernier-né de ses gros porteurs, 356 de la famille A320, la version remotorisée de son moyen-courrier vedette, 60 A220 et 44 A330 pour une valeur totale de quelque 70 milliards de dollars au prix catalogue.

• Lundi au premier jour, la compagnie Sichuan Airlines a confirmé un accord conclu début 2018 pour dix long-courriers A350 (2,8 milliards de dollars au prix catalogue).

• La compagnie taïwanaise Starlux a signé le même jour un protocole d'accord pour dix-sept A350 (6 milliards US) dont douze A350-1000 et cinq 350-900.

• La compagnie indienne Vistara a elle signé une lettre d'intention pour treize A320neo. Elle s'est également engagée avec des loueurs à ajouter 37 autres A320neo dans sa flotte, soit en tout 50 appareils (5,5 milliards US).

• La compagnie koweïtienne Wataniya Airways a elle finalisé une commande de 25 A320neo (2,7 milliards US).

• La compagnie de location à long terme Goshawk Aviation, basée en Irlande, a commandé 20 A320neo (2,212 milliards US).

• Un client dont le nom n'a pas été révélé a signé un protocole d'accord pour 80 A320neo (8,848 milliards US).

• Le groupe de location Macquarie AirFinance, basé en Australie, a passé une commande ferme pour 20 A320neo (2,2 milliards US)

• La compagnie omanaise SalamAir a signé un accord pour 1 A320neo (110,6 millions US)

• Au deuxième jour, commande ferme mardi pour l'achat de 8 A350-900 par un client non identifié (2,5 milliards US).

• Protocole d'accord avec un client non identifié pour 25 A321neo (3,2 milliards US) et 75 A320neo (8,3 milliards US)

• Accord avec Level, le transporteur à rabais d'International Airlines Group (IAG), pour deux A330-200 (477 millions US)

• Protocole d'entente avec une nouvelle compagnie américaine, dont le nom n'a pas été révélé, pour 60 A220-300 (5,5 milliards US), l'ex-C Series de Bombardier, qui vient d'entrer dans la flotte d'Airbus après une prise de participation majoritaire du constructeur dans le programme canadien.

• Au troisième jour, un client non identifié a signé un protocole d'accord pour 6 A330neo (1,778 md US)

• Protocole d'accord avec Uganda Airlines pour 2 A330-800neo (519,8 milliards US)

• Au quatrième jour, protocole d'accord avec un client non identifié pour 10 A320neo (1,1 md US)

• Protocole d'accord avec VietJet pour 50 A321neo (6,5 milliards US)

• Accord avec le transporteur à rabais Air AsiaX pour 34 A330neo (10,07 milliards US)

BOEING

Le groupe américain a annoncé les commandes de 48 777 et 32 787 long-courriers, ainsi que de 533 appareils 737 MAX moyen-courriers et 5 747-8 pour un montant au prix catalogue de 90,5 milliards US

• Au premier jour, lundi, le groupe de livraison DHL a passé une commande pour 14 Boeing 777, en version fret, d'un prix catalogue de 4,7 milliards de dollars, assortie d'une option pour sept appareils supplémentaires.

• Qatar Airways a elle commandé cinq 777 Freighter, pour un montant au prix catalogue de 1,7 milliard de dollars.

• United Airlines a dévoilé une commande de quatre Boeing 787-9, pour un montant au prix catalogue de 1,1 milliard de dollars.

• Le loueur d'avions américain Jackson Square Aviation a commandé 30 exemplaires de la version remotorisée du 737, le MAX 8 (3,5 milliards US)

• La compagnie roumaine Tarom a commandé cinq Boeing 737 MAX 8, (586 millions US).

• La compagnie de location à long terme Goshawk Aviation, basée en Irlande, a commandé 20 Boeing 737 MAX, (2,3 milliards US)

• La compagnie à bas prix brésilienne GOL a commandé 15 737 MAX 8 (1,7 md US).

• La compagnie indienne Jet Airways a signé une commande pour 75 737 MAX 8 (8,8 milliards US).

• Au deuxième jour, signature mardi d'une lettre d'intention (un accord moins engageant que le protocole d'accord) avec Volga-Dnepr Group et CargoLogicHolding pour 29 Boeing 777 en version fret (9,8 milliards US) et d'une commande ferme de 5 Boeing 747-8 version cargo (2 milliards US).

• Commandes fermes pour 3 787-9 et 20 737 Max, avec en outre des «engagements» pour 55 737 MAX avec la compagnie de location Air Lease Corportation (9,6 milliards US)

• Commande de 20 Boeing 737 MAX par Aviation Capital Group (2,34 milliards US)

• Au troisième jour, protocole d'accord avec une compagnie vietnamienne à bas coût, VietJet, pour 80 Boeing 737 MAX 10 et 20 Boeing 737 MAX 8, (12,7 milliards US).

• Protocole d'accord avec 4 clients non identifiés pour 93 737 MAX (11 milliards US)

• Au quatrième jour, accord signé avec un client non identifié pour 100 737 MAX (11,7 milliards US)

• Dix commandes fermes d'Hawaiian Airlines pour des Boeing 787-9 (2,82 milliards US)

• «Engagements» avec deux compagnies non identifiées pour 15 787-9 (4,2 milliards US)

Enfin, Boeing a annoncé des commandes et accords pour des contrats portant sur des services avec neuf compagnies aériennes et les forces de défense aérienne américaine et néerlandaise, d'une valeur de plus de 2,1 milliards de dollars.

EMBRAER

L'avionneur brésilien, avec lequel Boeing vient de conclure un partenariat stratégique, a annoncé avoir conclu pour un montant de 14,8 milliards de contrats avec différents niveaux d'engagements, allant de simples droits d'achats, à la commande ferme, en passant par la lettre d'intention.

ATR

ATR, la co-entreprise entre Airbus et Leonardo-Finmeccanica, leader mondial des avions à turbopropulsion de moins de 90 places, a enregistré 9 protocoles d'accord et une option d'achat pour 5 ATR 72-600 et 5 ATR 42-600 d'une valeur globale au prix catalogue de 245 millions US.