Il y a deux semaines, un gros colis de 260 tonnes est arrivé au port de Brisbane, en Australie, au terme d'un voyage de 10 500 kilomètres sur terre et sur mer. Il s'agissait d'un train de six voitures construit en Inde par Bombardier. D'ici quelques mois, il roulera quelque part dans l'État du Queensland.

C'était la toute première fois qu'une entreprise privée exportait du matériel roulant à partir de l'Inde, a expliqué à La Presse Harsh Dhingra, le représentant en chef de Bombardier Transport dans le pays. « Nous voulions être aussi concurrentiels que possible pour décrocher ce contrat », a-t-il affirmé.

Et comment ! Au moment de l'octroi du contrat, en janvier 2014, le gouvernement du Queensland a soutenu que le prix demandé par Bombardier et ses partenaires était deux fois moins élevé que celui prévu par les fonctionnaires. Le Queensland déboursera 4,1 milliards US pour 75 trains et leur entretien pendant 30 ans. La part de Bombardier s'élève à environ 2,7 milliards US. Les livraisons doivent s'étaler jusqu'en 2018.

Le consortium composé de Bombardier, de deux firmes britanniques et d'une entreprise japonaise a damé le pion à AdvanceRail, qui regroupait l'espagnole CAF et la japonaise Mitsubishi. Le prix de leur soumission n'a pas été rendu public.

Bombardier compte mettre à profit ses usines situées en Inde et dans d'autres pays à faibles coûts pour décrocher de nouveaux contrats occidentaux. La multinationale québécoise pourra ainsi mieux faire face au géant chinois du matériel roulant, CRRC, qui est de plus en plus présent sur les marchés internationaux.

L'an dernier, CRRC a obtenu une commande de 566 millions US pour le métro de Boston, son premier contrat important aux États-Unis. Bombardier demandait près du double, soit 1 milliard US, pour les 284 voitures. CRRC est en train de construire une usine au Massachusetts pour réaliser le contrat.

PLUS PERMISSIF

En Amérique du Nord comme en Europe, plusieurs gouvernements exigent que les trains et les métros qu'ils achètent soient construits en bonne partie sur leur territoire. Les règles sont beaucoup plus souples en Australie, d'où la possibilité pour Bombardier de construire en Inde les trains destinés au Queensland. Des syndicats et certains politiciens mènent actuellement une campagne pour que le pays hausse ses exigences minimales en matière de contenu local.

Bombardier s'est engagée auprès du gouvernement à exécuter la plus grande partie des travaux de conception et d'ingénierie du contrat en Australie. De plus, le constructeur a accordé 200 sous-contrats à des entreprises du Queensland et d'ailleurs dans le pays. Enfin, le consortium a établi près de Brisbane un centre de maintenance à la fine pointe qui emploiera quelque 150 personnes.

Pour l'instant, le contrat du Queensland est le seul contrat occidental que Bombardier réalise majoritairement à partir d'un pays à faibles coûts. Mais dans le cadre de ses efforts de redressement financier, l'entreprise fait fabriquer de plus en plus de composants dans les pays en développement, tant dans ses activités ferroviaires qu'aéronautiques. En plus de l'Inde, Bombardier possède des installations au Mexique, au Maroc et au Brésil, entre autres.

La délocalisation n'est toutefois pas sans risque : l'an dernier, des pièces de mauvaise qualité fabriquées dans une usine de Bombardier au Mexique ont entraîné un retard d'au moins six mois dans la livraison des nouveaux tramways de Toronto.