Environ cinq millions de Canadiens traversent les frontières chaque année pour aller prendre l'avion à partir d'un aéroport américain.

Dans un rapport publié mercredi, le Conference Board du Canada a cherché à comprendre pourquoi le prix des billets d'avion était souvent beaucoup moins élevé au sud de la frontière. Une bonne partie de la différence, soit 40%, est liée aux taxes et frais divers qui s'ajoutent au tarif de base. Mais il y a d'autres facteurs.

L'auteur du rapport, Vijay Gill, note que le tarif de base est souvent beaucoup plus bas aux États-Unis qu'au Canada. Il indique ainsi que le tarif de base moyen d'une liaison entre l'aéroport Montréal-Trudeau et des destinations populaires comme New York et Orlando s'établit à 573$, alors que le tarif moyen d'une liaison entre les aéroports de Plattsburgh ou de Burlington et les mêmes destinations n'atteint que 292$. Avec l'ajout de taxes et de frais divers, le tarif à partir de Montréal-Trudeau (697$) est plus du double que le tarif à partir de Plattsburgh ou de Burlington (327$).

Pour une famille de quatre personnes, la différence est énorme. Surtout si elle vit à Longueuil: bien sûr, il faut se rendre à Plattsburgh ou à Burlington, mais on évite la congestion qu'il faut affronter pour se rendre à Dorval.

Structure de coûts plus légère

M. Gill explique que la structure de coûts des transporteurs américains, surtout celle des transporteurs à très bas coûts qui desservent les aéroports frontaliers, est plus légère que celle des transporteurs canadiens. Les salaires sont moins élevés, tout comme les dépenses en carburant.

«Les transporteurs canadiens doivent défrayer 2,66$ par gallon, comparativement à 2,30$ pour les transporteurs américains, souligne M. Gill. Le coût du carburant inclut les taxes, qui sont plus élevées au Canada qu'aux États-Unis.»

L'auteur affirme que les coûts de location d'avions et de financement sont également plus bas aux États-Unis, tout comme les coûts associés aux aéroports.

Il explique que les aéroports canadiens doivent payer un loyer au gouvernement canadien, alors que les aéroports américains reçoivent des subventions de la Federal Aviation Adminsitration (FAA). Les aéroports canadiens doivent payer des impôts fonciers, contrairement aux aéroports américains. Ces derniers peuvent aussi diminuer leurs coûts de financement en émettant des obligations non imposables, un avantage que n'ont pas les aéroports canadiens.

Les grands aéroports canadiens comme Toronto-Pearson et Montréal-Trudeau doivent également tenir compte de l'héritage laissé par le gouvernement fédéral: la nécessité de procéder à des investissements dans les infrastructures après des années de sous-investissements et, dans le cas de Montréal-Trudeau, l'obligation d'exploiter l'aéroport de Mirabel.

L'héritage de l'aéroport de Plattsburgh est plus avantageux: il bénéficie des investissements effectués au cours des années par l'armée alors qu'il s'agissait d'un aéroport militaire.

De plus, la vigueur du dollar canadien n'arrange pas les choses puisqu'il rend les tarifs américains plus attrayants.

Un gros risque

M. Gill affirme que les aéroports canadiens risquent de perdre gros si leurs passagers continuent de traverser la frontière pour emprunter des aéroports américains.

«En tant que plaques tournantes nationales et internationales, les grands aéroports canadiens doivent compter sur un trafic important pour réaliser des économies d'échelle, écrit-il. Une perte de trafic se traduit par des prix plus élevés pour les voyageurs et une réduction de la qualité de la desserte pour tous les Canadiens.»

L'auteur soutient que les autorités gouvernementales pourraient intervenir du côté des taxes et frais divers pour améliorer la position des aéroports canadiens. Préférablement, il s'agirait de réduire ces taxes, mais les gouvernements pourraient aussi modifier leur mode d'imposition pour donner une plus grande flexibilité aux transporteurs.

Selon le Conference Board, une modification bien pensée des politiques canadiennes permettrait de ramener jusqu'à deux millions de passagers dans les aéroports canadiens.