Le projet de fusion entre les Bourses de Toronto et de Londres pourrait nuire à l'accès et à la place que les entreprises de petite capitalisation d'ici occupent sur les marchés boursiers, s'inquiète le président de la Banque Laurentienne.

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Par conséquent, tant qu'il n'obtiendra pas plus de détails à ce sujet de la part des dirigeants des deux Bourses, Réjean Robitaille entend se prononcer contre ce projet de fusion sous sa forme actuelle.

Selon le président de cette banque qui mise particulièrement sur la clientèle des PME, le sort des entreprises de petite capitalisation en Bourse après une telle fusion demeure «encore trop nébuleux».

«Les gens du Groupe TMX (Bourses de Toronto et de Montréal) devraient s'expliquer là-dessus», a insisté M. Robitaille, en marge de l'assemblée des actionnaires de la Banque Laurentienne, hier à Montréal.

«Qu'est-ce qui se passerait avec les PME, qui sont pourtant des moteurs de notre économie? Comment vont-elles se retrouver dans un grand groupe boursier et des normes internationales dirigés de Londres?» se demande-t-il.

«Ces questions préoccupent certains de nos clients de PME et de nos investisseurs. Tant que nous n'aurons pas de réponses plus précises, nous serons contre (la fusion boursière) à la Banque Laurentienne.»

Opposition

Ce commentaire fait suite à la divergence d'opinions constatée ces derniers jours parmi les principales banques canadiennes.

Au moins trois d'entre elles, dont la Banque Nationale, ont déjà signalé leur opposition au projet actuel de fusion entre la société boursière LSE de Londres et le Groupe TMX de Toronto, qui chapeaute les Bourses d'actions à Toronto et de produits dérivés à Montréal.

Dans une déclaration commune ébruitée par la presse d'affaires torontoise, ces trois banques assimilent ce projet de fusion boursière à une «liquidation» d'une importante entité financière canadienne, de même que les nombreux emplois qui y sont rattachés.

En revanche, au moins deux grandes banques canadiennes, la Royale et la Banque de Montréal (BMO), se sont déclarées favorables au projet de fusion boursière. Il faut dire que ces banques sont des conseillers financiers auprès du Groupe TMX pour ses préparatifs de transaction avec son vis-à-vis londonien.

Cette divergence a émergé dans l'actualité alors qu'un comité parlementaire ontarien se penchait sur le projet de fusion.

Elle pourrait faire de nouveau surface au cours des consultations prévues par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (CVMO) et sa vis-à-vis québécoise, l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Par l'entremise de leur régulateur boursier, les gouvernements du Québec et de l'Ontario ont un pouvoir de veto sur un changement de contrôle des Bourses de Montréal et de Toronto.

Au fédéral, le ministre de l'Industrie a ordonné un examen détaillé du projet de fusion boursière selon la législation canadienne de contrôle des investissements étrangers.

Dans le milieu financier québécois, le président de la Banque Laurentienne n'est pas le premier à exprimer des critiques envers le projet de fusion boursière. Outre les dirigeants de la Banque Nationale, le président de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia, a mentionné au cours de la récente présentation des résultats annuels qu'il avait «plusieurs questions» sur l'impact éventuel d'une telle fusion boursière. Tant sur la Caisse de dépôt à titre d'investisseur institutionnel qu'au sujet l'accès des entreprises québécoises aux marchés des capitaux.

L'un des investisseurs montréalais les plus en vue dans le milieu boursier canadien, Stephen Jarislowsky, a aussi critiqué publiquement le projet de fusion boursière entre Londres et Toronto. «Après une telle fusion, où croyez-vous qu'iront les grandes firmes d'investissement et les sièges sociaux? Ils ne seront plus au Canada, ils iront s'établir à Londres parce que c'est un plus gros marché financier», a commenté M. Jarislowsky il y a quelques jours.

Selon le financier, une telle migration financière serait coûteuse pour l'économie canadienne en termes de revenus fiscaux, mais aussi de perspectives professionnelles pour les jeunes financiers formés ici.