La Banque de Montréal (BMO) (T.BMO)veut gagner de gros galons aux États-Unis en achetant pour 4,1 milliards $US l'une des plus grosses banques de la région du Mid-West.

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Cette banque régionale, Marshall & Ilsley (M&I), sera regroupée avec l'autre filiale américaine de BMO, Harris Bank de Chicago, ce qui créera un réseau de 695 succursales bancaires dans une demi-douzaine d'États.

Avec cet achat, l'actif bancaire de BMO au sud de la frontière augmentera de près de moitié à 162 milliards $US, ce qui en fera le 15è groupe bancaire en importance aux États-Unis.

Il s'agira aussi de la deuxième acquisition de BMO de plus d'un milliard de dollars aux États-Unis en 2010, après sa mainmise sur l'entreprise de cartes de crédit Diners Club en début d'année.

«La combinaison entre Harris Bank et M&I s'assemble parfaitement pour doubler nos activités bancaire dans le Mid-West. Nous serons mieux positionnés pour profiter de la reprise économique aux États-Unis », a soutenu le chef de la direction de BMO, William Downe.

Parmi les investisseurs en actions de BMO, cependant, l'annonce du plus gros projet d'acquisition de son histoire a été accueillie très froidement.

Les actions de la quatrième plus grosse banque au Canada ont basculé de plus de 7% en cours de séance, à la Bourse de Toronto. Elles ont terminé en baisse de 6,5% à 58$, leur plus faible cote de fermeture depuis le mois d'août dernier.

Pendant ce temps, à la Bourse de New York, les actions de la banque M&I ont bondi après l'annonce de l'achat de BMO.

Toutefois, leur valeur est demeurée bien inférieure à celle d'environ 7,75$US qui leur est attribuée selon les termes annoncés de l'acquisition.

Selon les analystes, cette réaction mitigée s'explique avec deux raisons principales.

Les actionnaires de M&I semblent déçus que BMO prévoit payer tout son achat par un échange d'actions, au lieu d'argent comptant.

Quant aux actionnaires de BMO, ils semblent douter de la juste valeur d'achat de M&I et de son apport aux futurs résultats de la banque.

D'autant que BMO a l'intention de régler une partie de son achat de M&I avec une émission d'actions d'au moins 800 millions $CA, ce qui aura un effet de dilution sur les prochains bénéfices par action.

Aussi, les analystes ont vite noté hier que la banque M&I est déficitaire depuis l'automne 2008, et qu'elle le demeurera sans doute jusqu'à la fin de l'an prochain.

Les dirigeants de BMO ont confirmé hier qu'ils prévoient des pertes sur prêt additionnelles d'au moins 4,7 milliards $US chez M&I au cours des prochains trimestres.

Par conséquent, ils ne s'attendent pas à ce que l'achat de M&I contribue au bénéfice total de BMO avant l'exercice 2013, c'est-à-dire dans deux ans selon le calendrier financier des banques.

Pour John Aiken, analyste des banques chez Barclays Capital, «un tel montant de pertes représente tout de même 12% du portefeuille de prêts de M&I. Ça soulève des doutes sur la pertinence pour BMO d'augmenter son risque dans le marché hypothécaire aux États-Unis.»

L'agence de notation financière Moody's a aussi vite signifié des  réserves envers le risque financier accru pour la BMO avec cette grosse acquisition américaine.

La cote financière de la banque a donc été mise en «révision baissière» par Moody's, qui appréhende des « défis d'intégration » chez BMO aux États-Unis, avec la taille de l'achat de M&I.

Selon Moody's, l'actif de M&I a des « problèmes significatifs » de qualité alors que chez BMO, les actifs américains ont «des résultats décevants depuis quelques années ».

Cela dit, des analystes estiment que cette autre acquisition de BMO dans le Mid-West a le potentiel de donner un nouveau souffle à ses activités américaines. Et surtout, de renforcer leurs résultats d'exploitation à la hauteur des récents résultats d'ensemble de BMO, enviables parmi ses pairs au Canada.

«En terme de stratégie, pour le moment, l'achat de M&I par BMO a beaucoup de sens, tant pour la géographie que la diversification d'actif aux États-Unis», note John Aiken, de Barclays Capital.

Les actionnaires de BMO en espèrent autant, 25 ans après son investissement initial de 800 millions $ dans le Mid-west, chez Harris Bank de Chicago.