Pour la première fois au Canada, les actionnaires d'une grande entreprise ont pu voter sur la politique de rémunération de ses hauts dirigeants.

C'est survenu à Montréal hier au cours de l'assemblée annuelle de la Banque CIBC, première en lice de la saison 2010 des rendez-vous d'actionnaires.

Et alors qu'on pouvait s'attendre à un débat, les actionnaires de la CIBC ont été satisfaits des explications officielles de la banque sur la nouvelle politique de rémunération de ses hauts dirigeants.

D'autant plus que, pour le seul chef de la direction, Gerry McCaughey, ces nouvelles règles ont déjà amputé sa rémunération annuelle de 8,1 millions à 6,2 millions de dollars depuis deux ans.

Dans ce contexte, les actionnaires de la CIBC ont voté à 92% en faveur d'une rémunération des dirigeants qui, selon la banque, s'aligne davantage avec la performance d'affaires de l'entreprise à moyen et à long terme.

Cette nouvelle politique de salaires et de primes dilue aussi l'influence de la seule performance boursière des actions de la banque.

Le MEDAC satisfait...

Par ailleurs, ce vote inaugural des actionnaires de la CIBC sur la rémunération des dirigeants, même s'il n'a qu'une valeur consultative, a satisfait son principal promoteur depuis des années. Il s'agit du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MEDAC), le lobby montréalais d'actionnaires qui est devenu un intervenant influent au cours des assemblées d'actionnaires de grandes entreprises, en particulier les banques.

«Ce n'est que le premier d'une série de votes d'actionnaires sur la rémunération, en particulier chez les banques», a dit Louise Charrette, du MEDAC, au terme de l'assemblée de la CIBC.

«Néanmoins, nous savons qu'un tel vote deviendra la norme parmi les grandes entreprises cotées en Bourse, a-t-elle poursuivi. Comme ce fut le cas avec nos propositions antérieures, telle que la division des postes de président du conseil et de chef de la direction.»

Quant au résultat du vote à l'assemblée de la CIBC, Mme Charrette s'en est réjouie même s'il s'est avéré largement contraire à la recommandation du MEDAC.

«Je suis agréablement surprise que 7% des actionnaires aient tout de même voté contre la politique de rémunération de la CIBC. De l'avis d'analystes en gouvernance, un vote négatif par plus de 10% serait embarrassant pour toute entreprise.»

Cela dit, Mme Charrette estime que la CIBC a «fait du travail dans la très bonne direction» avec les changements à la rémunération de ses hauts dirigeants.

«C'est encore insuffisant, notamment pour l'écart entre le salaire du président et le salaire moyen des employés de la banque. Mais, au moins, dans ses explications à ces actionnaires, la CIBC est beaucoup plus claire que ce que nous avons vu jusqu'à maintenant parmi les autres banques», a indiqué la déléguée du MEDAC.

... Charles Sirois aussi

D'ailleurs, avant le vote des actionnaires, le président du conseil de la CIBC, l'homme d'affaires québécois Charles Sirois, avait insisté, lors de son discours, sur les principaux objectifs de la rémunération révisée des dirigeants. Entre autres, elle vise à établir un «lien plus étroit entre la rémunération des cadres et la création de valeur à long terme».

Aussi, a soutenu M. Sirois, la nouvelle politique mise sur des encouragements salariaux qui «récompensent le rendement sans pour autant encourager la prise de risque inutile».

Après l'assemblée, M. Sirois était évidemment satisfait de l'appui à «plus de 90%» des actionnaires pour la politique de rémunération, tout en soulignant qu'il ne s'agissait que d'un vote consultatif.

«Le plus important d'un tel vote, à mon avis, c'est que ça incite une entreprise à rehausser le dialogue avec ses actionnaires», a indiqué Charles Sirois à La Presse Affaires.

Résultats

Les résultats de premier trimestre de 2010 publiés hier par la CIBC ont semblé réconforter ses actionnaires, après plusieurs trimestres très tumultueux.

La CIBC a déclaré un bénéfice net de 1,61$ par action, ou 652 millions en tout, ce qui est cinq fois plus élevé qu'à pareille date l'an dernier.

Ce fort redressement s'explique surtout par une importante réduction des pertes spéciales subies par la CIBC dans ses activités de courtage sur les marchés financiers, qui furent très affectées par la crise du crédit et le krach boursier de 2008.

À la Bourse de Toronto, hier, les actions de la Banque CIBC ont gagné 3,1%, à 69,95$.

Il s'agissait d'un gain journalier trois fois plus élevé que celui de l'indice sectoriel des entreprises de services financiers.