Tout juste affranchi d'une financière néerlandaise en péril, et encore riche en capital malgré la crise financière, le plus gros assureur de biens au Canada est en appétit d'acquisitions.

Et une telle transaction susceptible de secouer le marché multimilliardaire de l'assurance, d'ordinaire tranquille, pourrait survenir bientôt, de l'avis du président et chef de la direction d'ING Canada [[|ticker sym='T.IIC'|]], Charles Brindamour.

 

«Pour nous, les conditions d'acquisitions sont devenues les plus propices des dernières années. Et compte tenu de ce qu'on a réalisé récemment, nos actionnaires nous disent qu'ils aimeraient voir une transaction», a confirmé M. Brindamour, 39 ans, au cours d'une entrevue avec La Presse Affaires.

D'ailleurs, les rumeurs fusent dans le milieu de l'assurance à propos des cibles potentielles d'ING Canada.

Et ce, avant même qu'il ait complété son changement de nom pour Intact, afin de refléter sa récente indépendance totale d'ING Groep, géant financier des Pays-Bas ébranlé par la crise.

Au Québec, où il détient la plus grosse part du marché de l'assurance de biens, ING-Intact est aussi connu pour sa filiale BélairDirect.

Ces rumeurs, donc? La plus récente, présentée par un quotidien torontois hier à partir de commentaires d'analystes, suggère qu'ING-Intact prépare une offre pour son principal concurrent, Aviva Canada.

Cette rumeur s'ajoute aux autres hypothèses d'analystes qui concernent les filiales canadiennes des assureurs AXA et RSA.

Ces deux assureurs sont à égalité aux sixième et septième rangs du marché canadien, avec des revenus de prime d'environ 1,5 milliard et 4,4% des parts de marché.

Mais avec Aviva Canada, filiale d'un assureur britannique amoché par la crise financière, il s'agirait pour ING-Intact d'une transaction beaucoup plus marquante.

En fait, l'acquisition d'Aviva Canada doublerait presque l'empreinte d'ING-Intact dans l'assurance de biens au Canada.

Ses revenus de prime augmenteraient de 4,1 milliards à quelque 7,2 milliards. Sa part du marché canadien passerait de 11% actuellement à quelque 20%, ce qui serait quatre fois plus que le plus proche concurrent.

Évidemment, hier, les dirigeants d'ING-Intact ont décliné tout commentaire plus précis à propos d'Aviva Canada.

Tout au plus, a-t-on admis, cet assureur serait «dans l'éventail des possibilités» pour un projet d'acquisition.

Quel éventail? En entrevue, Charles Brindamour a mentionné les critères recherchés: un assureur d'au moins 500 millions en revenus de primes, donc parmi les 20 principaux au Canada qui représentent déjà 80% du marché.

Aussi, a indiqué son président, ING-Intact cherche des actifs pouvant lui fournir rapidement un «avantage de rentabilité» dans ses principaux secteurs d'activité: assurances d'entreprises (PME), assurance auto, assurance habitation.

Selon l'analyste John Reucassel, spécialiste des entreprises financières chez Marchés des capitaux BMO, «ING est le principal consolidateur en assurances de biens au Canada et serait un acquéreur évident pour les actifs d'Aviva.».

Le prix potentiel? Pour le moment, M. Reucassel cite la valeur comptable d'Aviva Canada estimée à 1,2 milliard, selon ses déclarations réglementaires.

«ING Canada a les moyens pour une telle acquisition», souligne l'analyste dans un billet envoyé hier à ses clients-investisseurs.

Mais en attendant l'annonce d'une acquisition, les actionnaires d'ING-Intact peuvent se réconforter de la santé financière de l'assureur malgré la crise financière et la récession.

«Nous n'avons pas de dette et au moins 430 millions en capital excédentaire. Combiné à notre expérience antérieure - 11 transactions en 20 ans -, ça nous avantage dans un contexte où des assureurs peuvent être sous pression financière», a souligné Charles Brindamour.

D'ailleurs, fiers de ce confort financier, les administrateurs d'ING-Intact ont récemment consenti à ses actionnaires une hausse de 3% du dividende trimestriel.

Et foi du président, cette filiale ne visait pas à réconforter des actionnaires déçus du prix de la récente revente du bloc d'actions majoritaire (70%) que détenait ING Groep. (La banque ING Direct est distincte de l'assureur ING Canada et elle demeure une filiale d'ING Groep.)

Cette transaction par étapes (placement privé et revente boursière) a été annoncée au début de février, à hauteur de 25$ à 26,35$ par action, pour une valeur totale de 2,2 milliards.

Or, c'était environ 6$ de moins par action - 17% environ - que le prix attendu par les investisseurs, qui échangeaient les actions d'ING Canada autour de 32$ durant les jours précédents.

«La hausse de dividende ne visait pas à compenser cette différence, mais plutôt à refléter notre bonne situation financière malgré les tumultes des marchés. C'est ce qu'il fallait faire pour les actionnaires», a dit M. Brindamour.