La Société des alcools du Québec (SAQ) a les yeux fixés sur l'épée de Damoclès d'une grève de ses employés qui est suspendue au-dessus de sa tête pour le 23 juin, à la veille de la Fête nationale.

Les 5500 employés des quelque 400 succursales de la SAQ se prononcent en effet ces jours-ci sur un mandat de grève de six jours, réclamé par leur exécutif syndical et celui-ci pourrait être utilisé dès le 23 juin.

« L'objectif n'est pas de faire la grève ; l'objectif, c'est de faire pression sur l'employeur pour qu'il bouge de ses positions et qu'il arrête de nous demander des reculs », a confié la présidente du Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la SAQ (CSN), Katia Lelièvre, en entrevue avec La Presse canadienne.

Cette menace d'une grève déclenchée lors d'une journée habituellement fort lucrative pourrait toutefois disparaître d'elle-même et être reportée à plus tard si le syndicat n'arrive pas à compiler le résultat du vote à temps.

Une assemblée générale a lieu ce lundi soir à Montréal et une autre est prévue mardi à Québec. Il restera ensuite celles de Chicoutimi et de Terrebonne plus tard cette semaine avant que toutes les consultations - certaines devant avoir lieu par visioconférence en raison de l'éloignement - soient complétées, le jeudi 21 juin.

« Le décompte pourrait se faire le 22 si on a tous les bulletins de vote à ce moment-là ou le 25, advenant que les bulletins de vote ne soient pas tous rentrés le 22 », a reconnu Mme Lelièvre, notant que la logistique d'un vote de cette ampleur sur un territoire aussi étendu représente un défi de taille.

Le porte-parole de la partie patronale Mathieu Gaudreault a indiqué que la direction espère revenir à la table de négociations le 25 juin, alors que les discussions sont suspendues depuis le 25 mai.

« Nous, la première chose, c'est qu'on a toujours espoir d'en arriver à une entente négociée qui va satisfaire les deux parties », a-t-il affirmé en entrevue.

« Il s'est dit beaucoup de choses, mais ultimement, ce que la SAQ cherche dans ces négociations... On ne veut pas toucher aux conditions de travail des employés, on ne coupe pas de postes, on ne touche pas aux salaires, ce qu'on veut, c'est plus de souplesse, plus de flexibilité pour équilibrer les horaires. Nous, ce qu'on veut, c'est ramener un peu plus proche les ratios entre les ventes et les heures travaillées. L'ensemble des discussions vont sur les planchers d'heures travaillées », a poursuivi M. Gaudreault.

Conciliation travail-famille pénalisée

La convention collective de ces employés est échue depuis le 31 mars 2017, mais les négociations ont cours depuis 16 mois.

Les discussions achoppent principalement sur plusieurs clauses non salariales touchant les horaires de fin de semaine en lien avec la conciliation famille-travail et la précarité des employés à temps partiel.

D'une part, le syndicat dénonce la volonté de l'employeur d'étendre l'obligation de travailler les fins de semaine à un plus grand nombre d'employés permanents. Il fait valoir que 70 % des employés à temps partiel font déjà les fins de semaine complètes et qu'en plus, 58 % des employés permanents travaillent aussi une journée ou deux la fin de semaine.

« C'est une dégradation de nos conditions de travail », affirme Mme Lelièvre, qui souligne que la conciliation travail-famille était au coeur des avancées souhaitées par les membres.

Le porte-parole de la partie patronale fait valoir les exigences reliées au commerce de détail.

« Dans le commerce de détail, on comprend, les ventes se font les fins de semaine. À l'heure actuelle, on a 700 employés qui travaillent du lundi au vendredi, ça, c'est pas nécessairement quelque chose qu'on retrouve dans le commerce de détail. [...] Moins de 20 % de nos employés réguliers travaillent deux jours de week-end, ça ne représente même pas un employé par succursale. Les changements de journées concerneraient 185 postes sur 1396 postes réguliers. Ce sont des aménagements qui ne sont, somme toute, pas dramatiques », a fait valoir M. Gaudreault.

Or, la SAQ chercherait également à assigner les heures de travail selon les heures travaillées le mois précédent, ce qui porterait encore davantage atteinte à cette conciliation, notamment dans les cas où un parent doit s'absenter pour s'occuper d'un enfant malade.

« Si on est pénalisés quand on s'occupe de notre famille, ça n'a pas de bon sens et ça va même complètement à l'encontre de ce que le gouvernement prône actuellement dans sa campagne électorale », déplore la syndicaliste.

Sur ce point, M. Gaudreault affirme que la direction ne veut pas « toucher à l'ancienneté des employés à temps partiels ».

« Nous, ce qu'on veut, c'est reconnaître les employés qui sont disponibles et qui veulent travailler à la SAQ. Par contre, toutes les justifications raisonnables d'absence, comme un congé de maladie, un congé de maternité et tous les trucs qui sont reconnus, ils vont être pris en compte et les employés ne seront pas pénalisés pour ce type de congés là », dit M. Gaudreault.

Quant à la précarité, le syndicat reproche à l'employeur d'embaucher des employés à temps partiel auxquels il ne donne pas assez d'heures, de sorte qu'ils se cherchent du travail ailleurs pour pouvoir joindre les deux bouts et deviennent dès lors moins disponibles, obligeant l'employeur à embaucher d'autres travailleurs à temps partiel dans les mêmes conditions, « ce qui crée un genre de cercle vicieux de précarité ».

Le syndicat, qui dit avoir offert à l'employeur de maintenir le statu quo en matière de clauses non salariales et de simplement ajouter 2 % d'augmentation salariale par année pour deux ans, reproche à l'employeur d'avoir répondu par des demandes de reculs importants aux employés.

La question salariale n'a pas encore été formellement abordée, mais le syndicat affirme que la SAQ évalue qu'elle doit couper 22 millions de dollars de coûts dans les conditions de travail pour céder l'augmentation réclamée.