Tourisme Montréal et les autres associations touristiques régionales (ATR) craignent que le gouvernement Couillard ne s'empare de la taxe sur l'hébergement, ce qui les priverait de la plus grande partie de leurs revenus.

«Si Québec va de l'avant, on ne pourra jamais revenir en arrière. J'ai trop d'expérience dans le secteur public pour ne pas savoir ça. Le montant qu'ils vont s'approprier va grandir d'année en année. Et Montréal ne pourra plus choisir ses priorités», affirme en entrevue le président du conseil d'administration de Tourisme Montréal, Raymond Bachand.

Une telle sortie d'un ancien ministre des Finances est plutôt inusitée, d'autant plus que le gouvernement n'a pas encore pris de décision dans ce dossier. «J'aime mieux faire de la prévention que de lancer une chicane par après», explique-t-il. Tourisme Montréal a reçu l'appui du maire Denis Coderre, de la Chambre de commerce, d'Aéroports de Montréal et de l'Association des hôtels dans ce dossier.

Depuis 1997, les ATR peuvent imposer une taxe sur l'hébergement pour financer leurs activités. Elle s'élève à 2 ou 3$ la nuit dans les régions et à 3,5% du tarif d'une chambre à Montréal. La mesure rapporte près de 50 millions de dollars par année à l'échelle du Québec. Elle permet à Tourisme Montréal d'empocher 23 millions par année, soit 70% de ses revenus totaux. De cette somme, 5,7 millions sont reversés directement au Grand Prix.

Mais pourquoi tout ce branle-bas de combat? Parce qu'insatisfaite de la performance de l'industrie québécoise, la ministre du Tourisme, Dominique Vien, s'est engagée à «revoir le «modèle d'affaires» du gouvernement en la matière. Québec souhaite notamment investir davantage pour accroître la qualité du «produit touristique».

«Je sens que Québec trouve que la coordination interrégionale pourrait être plus forte et que les montants prélevés [par l'entremise de la taxe sur l'hébergement] pourraient être plus élevés, indique M. Bachand. Alors ce débat, c'est une façon de dire: «Faites votre job, sinon on va la faire à votre place.» »

La ministre calme le jeu

Au cabinet de la ministre Vien, la porte-parole Cynthia St-Hilaire assure que les ATR s'en font pour rien. «Il n'a jamais été question de centraliser la taxe sur l'hébergement au Ministère, déclare-t-elle. Absolument pas.» Mme St-Hilaire reconnaît toutefois que Québec songe à uniformiser le taux de la taxe à la grandeur de la province.

Raymond Bachand se montre sceptique face à cette avenue. Si le gouvernement veut constituer un fonds pour améliorer l'offre touristique québécoise, il devrait plutôt songer à sabrer les subventions qu'il verse aux ATR, qui totalisent 10 millions par année, estime-t-il. Tourisme Montréal reçoit 1 million à ce titre, l'Office de tourisme de Québec, près de 800 000$, et les autres ATR, environ 300 000$ chacune. Pour combler le manque à gagner, les ATR augmenteraient le taux de la taxe sur l'hébergement.

Pour conserver le droit de gérer la taxe sur l'hébergement, Tourisme Montréal se dit prêt à respecter des conditions de financement précises et à se donner des indicateurs de performance.

Yves Lalumière, ancien haut dirigeant de Transat qui occupe le poste de directeur général de Tourisme Montréal depuis un an et demi, soutient que l'organisme a considérablement resserré sa gestion depuis la publication d'un rapport accablant du vérificateur général du Québec, en novembre 2013.

Tourisme Montréal a bouclé l'année 2014 avec un surplus, le premier en cinq ans. Afin de réduire les dépenses, cinq ou six postes ont été supprimés sur un total d'environ 70.

[Villes | Taxe sur l'hébergement | Taxation totale de l'hébergement]

Montréal | 3,5% | 19,0%

Toronto | 3,0% | 16,4%

Orlando | 6,0% | 12,5%

Washington | 4,5% | 14,5%