Le Québec est-il condamné à une croissance économique plus faible qu'ailleurs? Le déficit du gouvernement du Québec est-il permanent? Notre modèle québécois peut-il s'adapter pour offrir à nos enfants des perspectives intéressantes?

Ce genre de questions préoccupe un nombre grandissant de Québécois, comme en témoigne le dernier sondage Léger. De fait, l'économie arrive au sommet des thèmes préférés des électeurs (85% veulent en entendre parler), devant la santé, la Charte et la souveraineté. Même Jacques Parizeau, habituellement plutôt optimiste, s'inquiète pour notre économie.

Cette préoccupation est bien légitime. Cette année, le gouvernement de Québec en est à son cinquième déficit annuel consécutif, au terme d'une année avec une croissance économique anémique. Un sixième déficit est attendu d'ici avril 2015 (1,75 milliard), avant un hypothétique retour à l'équilibre budgétaire.

L'objectif est loin d'être atteint, faut-il dire: pour y arriver, il faudra devenir plus efficace et faire des choix difficiles, s'entendent les économistes. Pire: si rien n'est fait, le Québec se dirige vers des déficits annuels de 17 milliards d'ici 15 ans, notamment à cause du vieillissement de la population, selon une étude de l'Université de Sherbrooke. L'équipe élue aura-t-elle le courage politique de déplaire à certains groupes?

Pour mieux comprendre les enjeux, La Presse a analysé le portrait économique du Québec des 30 dernières années, avec l'évolution du niveau de vie et de l'endettement, mais également l'évolution de l'emploi et le niveau de taxation.

De belles surprises

Première surprise: le Québec se démarque favorablement sur certains aspects importants. Parmi les découvertes, citons la croissance plus forte du taux d'emploi au Québec par rapport à l'Ontario ou l'Alberta, de même que la chute de moitié du taux de prestataires de l'aide sociale. Autre élément: le niveau de vie des Québécois (PIB par habitant) s'est progressivement rapproché de celui des Ontariens depuis 30 ans.

L'économiste Pierre Fortin, tout comme le professeur Maurice Marchon, tire les mêmes conclusions. Cependant, Maurice Marchon craint que ce rattrapage sur l'Ontario se soit fait sur le dos de la dette publique, en croissance constante. De fait, le Québec est la province la plus endettée aujourd'hui (50% du PIB), et de loin, et sa dette grossit (18,8% du PIB en 1984).

Surtout, la comparaison avec l'Ontario, qui connaît des difficultés, ne saurait cacher les écarts qui se creusent entre le Québec et les autres provinces. Les Québécois sont avant-derniers pour la croissance de leur niveau de vie au Canada, devancés par les huit autres provinces. Vous me direz qu'il est injuste de se comparer aux provinces pétrolières, mais tout de même...

Cette faible progression du niveau de vie illustre le retard de productivité des entreprises québécoises, qui tardent à investir dans des procédés et des équipements plus efficaces. Le secteur public est aussi concerné par cet enjeu, lui qui représente 47% de l'économie au Québec (par rapport à 39% au Canada). La situation est d'autant plus préoccupante que le Canada, à qui se compare le Québec, est lui-même en retard sur la scène internationale pour la productivité.

Pour prospérer et progresser

De nombreux défis se présentent au Québec s'il veut demeurer prospère et progresser.

Le Québec doit d'abord adapter son économie pour faire face au vieillissement de la population, qui aura pour effet d'augmenter les dépenses en santé et de raréfier la main-d'oeuvre. Le Québec étant parmi les plus taxés, on ne pourra ajouter de nouveaux services sans couper dans des programmes existants.

Une des solutions passe par le travail des immigrants et la formation de la main-d'oeuvre dans des domaines porteurs. Encore faut-il que les entreprises acceptent de donner une chance réelle aux immigrants, un défi.

L'éducation est l'un des piliers d'une économie en santé. Le réseau universitaire et collégial doit être solide, mais, avant tout, il faut une école secondaire publique forte. Or, les compressions budgétaires et les réformes successives ont fragilisé le réseau.

Par ailleurs, la balance commerciale du Québec avec l'étranger est fortement déficitaire (28,5 milliards en 2013, ou environ 8% du PIB), notamment dans le secteur énergétique (13,4 milliards). Nul doute qu'il faut se préoccuper de cet enjeu, autant par une utilisation possiblement plus grande de notre électricité pour le transport que par l'exploration de nos ressources pétrolières.

Enfin, la créativité et l'entrepreneuriat sont certainement une autre voie pour permettre au Québec de prospérer. Depuis plusieurs années, le Québec a perdu des plumes au chapitre de la création d'entreprises, lui qui était jadis le paradis des «patenteux» et des PME. Il faut donner l'environnement nécessaire à nos entrepreneurs pour éclore.