L'économie de Montréal a changé, mais pas tant que ça. Ce qui fait la force de la ville, c'est la diversité de ses activités et sa capacité d'adaptation.

Non, tout ne va pas mal à Montréal. Sceptiques? Levez les yeux vers le ciel. Le nombre de grues en activité ne trompe pas. Ou alors, jetez un coup d'oeil sur les statistiques. La population continue d'augmenter, lentement mais sûrement. Le taux de chômage y est plus bas qu'à Toronto.

Les résidants choisissent aussi de rester en plus grand nombre. La ville perd de moins en moins de citoyens au profit des autres provinces canadiennes et elle affiche actuellement le meilleur solde migratoire interprovincial des 15 dernières années.

Ces nouveaux résidants viennent pour étudier, attirés par les quatre universités de la ville, et pour gagner leur vie dans des secteurs d'activité dynamiques et diversifiés. L'an dernier, 8 millions de touristes ont visité Montréal, dont la moitié sont venus de l'étranger.

Malgré tous ses travers, Montréal reste une ville attrayante, dit Claude Montmarquette. Le président-directeur général du CIRANO, un centre de recherche sur les organisations, est plus habitué à travailler sur ce qui va mal. Il reconnaît pourtant que la métropole parvient à tenir son bout.

Montréal, métropole financière et industrielle du Canada au tournant du XXe siècle, ne rivalise plus avec Toronto et Calgary pour le nombre de grandes entreprises et de sièges sociaux. Son taux de chômage reste plus élevé que la moyenne québécoise. Mais son économie montre des capacités d'adaptation et de résilience qui étonnent les spécialistes.

«Montréal est peut-être la ville canadienne dont l'économie a le plus changé au cours des 25 dernières années», estime Mario Lefebvre, directeur du Centre d'études urbaines du Conference Board.

Selon les statistiques, Montréal carbure aujourd'hui aux mêmes activités qu'hier: la fabrication, la finance et le commerce. Mais le poids respectif de ces catégories a changé. Ce qu'on appelle aujourd'hui la fabrication ou la finance regroupe des activités différentes.

Les usines ne fabriquent presque plus de vêtements, de chaussures ou de meubles pour consommation locale. On a appris à faire des avions et des médicaments qui sont vendus dans le monde entier.

PHOTO ARCHIVES MUSÉE MCCORD

La maison Notman, construite en 1844, est en voie d'être reconvertie en temple des nouvelles technologies.

Les secteurs aéronautique et pharmaceutique, l'industrie des jeux vidéo et le secteur culturel sont florissants. Ce sont actuellement les moteurs économiques de Montréal, selon Claude Montmarquette. «La finance, on l'oublie souvent, reste aussi un secteur important, qui regorge d'expertise», souligne le professeur.

C'est d'ailleurs le secteur financier qui contribue le plus au produit intérieur brut (PIB), qui mesure la valeur de tout ce qui se produit à Montréal, selon les chiffres du Conference Board. C'est grâce surtout au formidable essor immobilier qu'a connu la ville au cours des dernières années.

Dany Fougères, chercheur à l'INRS et professeur à l'UQAM, examine, lui, la ville d'un angle historique. Montréal change, mais pas tant que ça, estime-t-il. «Ses points forts d'hier sont les mêmes que ceux d'aujourd'hui.»

La métropole a toujours été une ville internationale, axée sur le commerce et les services, dit-il. La différence, c'est que ses échanges commerciaux, avec l'Europe d'abord, avec les États-Unis et le reste du monde ensuite, se faisaient à un rythme moins rapide, celui des bateaux à vapeur.

Montréal a traversé plusieurs mondes avec l'arrivée du chemin de fer, de l'industrialisation, des guerres, dit-il. «On parle aujourd'hui de nouvelle économie, mais chaque époque a eu sa nouvelle économie.»

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Jadis rempli du bruit des machines à coudre, l'édifice Vineberg, repeint en vert, abrite aujourd'hui un bar branché et des lofts d'artistes.

Les entrepôts et les silos à grains témoignent du passé commerçant de Montréal, du temps où tous les biens nécessaires au développement de l'Ouest transitaient par son port et ses chemins de fer. La plupart de ces structures sont maintenant désaffectées, mais le commerce de gros et de détail est encore bien vivant à Montréal.

Le port lui-même s'est adapté à la mondialisation du commerce en développant la manutention de conteneurs. Plus de 1,5 million de conteneurs transitent par Montréal chaque année, ce qui en fait un des 100 ports à conteneurs en importance au monde.

Montréal a aussi conservé avec les années ses attributs de ville de culture et de divertissement, comme le prouvent les investissements massifs qui font revivre le Quartier des spectacles.

Comme partout ailleurs, les services ont surpassé la fabrication dans le PIB de Montréal, note Mario Lefebvre. Mais l'économie montréalaise est encore bien diversifiée. «On dit souvent que le secteur manufacturier s'est effondré, mais pas tant que ça. À Montréal, il est encore bien vivant.»

La finance, l'enseignement et la recherche de même que la culture restent des secteurs porteurs pour l'économie de Montréal, souligne aussi Joëlle Noreau, économiste chez Desjardins. L'industrie aéronautique a repris une trajectoire ascendante, malgré la hausse du dollar, note-t-elle. «La diversité, c'est ce qui fait la force de la ville.»

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MONTRÉAL EN CHIFFRES

1,8 million: La population de Montréal compte pour 25 % de la population du Québec.

7,8 millions: Le nombre de touristes qui visitent la ville chaque année.

942 000: Nombre total d'emplois

800 700: Nombre d'emplois dans le secteur des services

141 300: Nombre d'emplois dans le secteur manufacturier

36 162 $ : Le revenu par habitant est plus élevé à Montréal que dans l'ensemble du Québec (35 942 $).

7,8 % : Le taux de chômage à Montréal est plus élevé qu'au Québec (7,7 %).

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LES ATOUTS DE MONTRÉAL

Des jeunes

Le nombre de jeunes de 15 à 24 ans est en augmentation à Montréal, ce qui est un plus pour les entreprises en quête de main-d'oeuvre.

Des diplômés

Montréal a une plus grande part d'étudiants universitaires en regard de sa population que New York ou Boston.

Des investissements

Les entreprises publiques et privées ont investi près de 10 milliards à Montréal en 2011, un record.

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OÙ SONT LES EMPLOIS?

1931

380 000 emplois au total

(1) Transformation, fabrication et services publics: 116 463 emplois (31 % du total)

(2) Ventes et services: 84 839 emplois (22,3 %)

(3) Affaires, finances et administration: 65 359 emplois (17 %)

2012

942 000 emplois au total

(1) Commerce de gros et de détail: 141 300 emplois (15,0 % du total)

(2) Soins de santé: 113 040 emplois (12,2 %)

(3) Services professionnels, scientifiques et techniques : 106 446 emplois (11,3 %)

(4) Fabrication: 101 736 emplois (10,8 %)

(5) Information, culture et loisir: 68 766 emplois (7,3 %)

(6) Hébergement et restauration: 62 172 emplois (6,6 %)

PHOTO ULYSSE LEMERISE, COLLABORATION SPÉCIALE

Le quartier général d'Ubisoft a été construit par John W. Peck, le plus important fabricant de vêtements au Canada en 1915.