Pierre Elliott Trudeau avait de grandes ambitions pour l'Aéroport international de Mirabel. L'ancien premier ministre du Canada prévoyait que 60 millions de passagers y transiteraient en 2025.

On connaît l'histoire. Le nombre de passagers n'a jamais atteint trois millions annuellement à Mirabel, les vols commerciaux ont été progressivement rapatriés à Dorval.

«Personnellement, je trouve que le Québec a manqué son coup, confie Hubert Meilleur, le maire de Mirabel. Mais maintenant que c'est fait, nous vivons avec ça. Nous nous sommes revirés de bord.»

Ce revirement ne s'est pas fait du jour au lendemain, il y a eu des embûches et il y en a encore, mais les résultats sont déjà probants.

«La masse salariale est plus élevée présentement qu'elle ne l'était lorsque l'aéroport fonctionnait, lance M. Meilleur. Les emplois qui sont là sont mieux rémunérés, et de beaucoup. Il y a 4000 à 5000 emplois et on devrait monter à 6000 d'ici quelques années. Ça va très bien.»

Au cours des dernières années, plusieurs entreprises se sont installées sur le site de l'aéroport. Bombardier, qui y assemble ses biréacteurs régionaux, est en train d'agrandir ses installations pour accueillir la CSeries. Pratt & Whitney Canada y a installé son centre d'essai en vol et une nouvelle usine pour l'assemblage du moteur qui équipera la CSeries. Le fabricant et réparateur d'équipement aéronautique Avianor a presque doublé la superficie de ses installations en 2012. L-3 MAS, spécialisée dans la remise à neuf d'appareils militaires, a entreprise de concevoir des composants aéronautiques.

C'est sans compter Hélibellule, un centre de nolisement d'hélicoptères et de maintenance d'avions d'affaires, le fabricant d'aérostructures Mecachrome et le centre de maintenance de moteurs d'hélicoptères Turbomeca.

Trois écoles se sont également amenées à l'aéroport: une annexe de l'École des métiers de l'aérospatiale, l'Institut de formation en aérospatiale et une école de pilotage, Groupe Vol de nuit.

Plusieurs entreprises spécialisées dans le fret aérien sont également sur place comme Purolator, Federal Express, CargoJet et UPS. Elles effectuent une vingtaine de vols par semaine à partir de Mirabel.

Le président-directeur général d'Aéroports de Montréal (ADM), James Cherry, note toutefois que le fret ne rapporte pas des fortunes à ADM.

«Il y a des frais d'atterrissage, mais après ça, il n'y a pas beaucoup, explique-t-il à La Presse Affaires. On loue quelques bâtiments. Ce n'est pas comme les passagers, qui stationnent leur voiture, qui prennent une bière en attendant leur vol.»

ADM a ainsi réalisé qu'il n'était pas rentable de faire de grands investissements pour attirer d'autres entreprises de fret aérien.

«Le fret représente un pour cent de nos revenus, affirme M. Cherry. Ce n'est pas énorme, mais c'est quelque chose qu'il faut avoir.»

Toutes ces entreprises du secteur de l'aéronautique ont aidé à conserver la vocation aérienne du site. En 2011, l'aéroport a enregistré 37 362 mouvements d'avions (décollages et atterrissages), soit 37 % de plus qu'en 2009. Ce n'est pas très loin des 40 376 mouvements enregistrés en 2003, alors qu'il y avait encore des vols nolisés à Mirabel. Aéroports de Montréal, qui avait fermé la deuxième piste d'atterrissage, a dû la rouvrir il y a deux ans. Toutefois, la tour de contrôle est toujours fermée. Nav Canada avait procédé à sa fermeture en novembre 2008 parce que le trafic aérien était insuffisant. La société l'avait remplacée par une station d'information de vol. C'est l'aéroport Montréal-Trudeau qui contrôle les approches.

«Nous trouvons ça dommage, commente M. Cherry. Nous avons fait des pressions sur le gouvernement canadien, mais c'est resté là. Mais jusqu'ici, nous n'avons pas vécu de problèmes de sécurité ou d'efficacité.»

Il espère toutefois qu'avec une augmentation du trafic liée à la CSeries et à la base d'Hélibellule, Nav Canada reviendra sur sa décision et rouvrira la tour de contrôle.

Le site de l'aéroport de Mirabel a également attiré des entreprises qui n'étaient pas liées au monde de l'aéronautique, comme Icar, un complexe de sports motorisés qui comprend notamment une piste de course de 3,4 kilomètres et un circuit de karting. Icar a installé ces circuits sur le tarmac, pas très loin des pistes d'atterrissage. D'ailleurs, le complexe fait valoir cette proximité sur son site internet, indiquant qu'il est accessible par voiture, par avion ou par hélicoptère privé.

Bref, contrairement à l'imagerie populaire, il y a de l'action à Mirabel.

«Les gens sont surpris lorsqu'ils viennent ici, raconte Sylvain Robitaille, le président de Syscomax, une entreprise impliquée dans le redéveloppement du site. Lorsque les autorités ont décidé d'envoyer les vols commerciaux à Dorval, Mirabel s'est retrouvée comme une ville qui perdait son gros transformateur de bois. Ça prend un certain temps à se rajuster, mais nous sommes en train de travailler là-dessus.»