Le divorce est une affaire complexe. Trop souvent, les conjoints qui se séparent passent à côté d'aspects financiers majeurs. Hier, nous avons abordé le partage des régimes de retraite, source potentielle de grandes injustices surtout chez les couples qui approchent de la retraite. Aujourdhui, nous faisons la lumière sur les considérations fiscales et les règles méconnues du partage du patrimoine familial. Des oublis qui peuvent faire perdre (ou gagner!) des centaines de milliers de dollars.

Les mariages sur le tard et les remariages sont à la hausse. En moyenne, les Québécois se marient sept ans plus vieux qu'il y a 40 ans. Et le quart de ceux qui se marient n'en sont pas à leurs premières noces. Voilà qui complique grandement les divorces.

Lors de la séparation, il faut prendre soin d'exclure du partage du patrimoine familial ce qui appartenaient à chacun des conjoints avant le mariage. Et surtout, il ne faut pas oublier d'exclure l'appréciation de ces biens durant le mariage.

«Les gens oublient d'exclure la plus-value sur les sommes acquises avant le mariage. Il y a beaucoup de jugements qui passent comme ça, sans que le juge tique», constate Guylaine Lafleur, notaire et planificatrice financière chez Bachand Lafleur Preston Groupe conseil.

Cet oubli peut faire une énorme différence. «Les gens qui se marient dans la trentaine sont déjà propriétaires d'une maison partiellement payée. Ils ont déjà de l'argent dans leur REER», expose Carolyn Martel, actuaire associée.

REER: oubli fréquent

Le Régime enregistré d'épargne-retraite (REER) fait partie du patrimoine familial. Le conjoint qui possédait 100 000$ dans son REER avant le mariage a souvent le réflexe d'exclure uniquement ce montant.

«Mais 100 000$ sur 20 ans, ça peut valoir trois fois plus cher», dit Mme Lafleur. Par exemple, avec un rendement composé de 6%, le 100 000$ vaut 320 000$ après 20 ans de mariage. Si le conjoint exclut seulement 100 000$ au lieu de 320 000$, la différente est de taille: c'est 220 000$ de plus qu'il devra partager. Un cadeau de 110 000$ à son ex!

Mais les calculs peuvent être complexes. La plupart du temps, les gens ont continué de cotiser dans le même compte REER après leur mariage. Or, ces nouvelles cotisations et leur rendement durant le mariage font partie du patrimoine et doivent être séparés entre les époux. Pas facile à démêler!

Certains investisseurs méticuleux ont conservé tous leurs relevés de compte. D'autres peuvent demander à leur conseiller financier de retracer l'information dans les systèmes informatiques. «Mais ça devient très complexe quand le client a changé de firme de courtage à plusieurs reprises», prévient Mme Lafleur.

Petit conseil: il est beaucoup plus simple d'ouvrir un nouveau compte REER, au moment du mariage, et d'y verser toutes les nouvelles contributions par la suite. En cas de divorce, un compte sera partageable, l'autre non. Point final.

Hors-REER: petite subtilité

Les placements hors-REER ne font pas partie du patrimoine familial. Toutefois, ils sont inclus dans le partage des biens pour tous les couples qui sont mariés en société d'acquêts, le régime par défaut au Québec.

Beaucoup de couples choisissent de se marier en séparation de biens en signant un contrat de mariage. En cas de divorce, ceux-ci garderont tous leurs biens personnels, au-delà du patrimoine.

Mais pour tous ceux qui sont en société d'acquêts, les comptes de banque et les comptes de placements hors-REER entreront dans le partage. Encore là, chaque conjoint doit prendre soin d'exclure la valeur acquise avant le mariage. Quant au rendement, il y a une subtilité de plus.

Les dividendes et les intérêts récoltés durant le mariage font partie des acquêts et doivent donc être partagés. Par contre, le gain en capital ne l'est pas.Pour y voir clair, il faut tenter de ressortir l'information pertinente, comme les déclarations de revenus, ou reconstituer rétroactivement le portefeuille en se posant différentes questions. Quelle était la répartition d'actifs du portefeuille? Actions, fonds communs, obligations, etc. Quels titres étaient détenus? Grandes entreprises à dividendes élevés, petites sociétés, etc.

De la sorte, on peut raisonnablement estimer le rendement du portefeuille et les différentes formes de revenus (intérêts, dividendes, gains en capital), indique Mme Lafleur.

La maison: beau casse-tête!

Les gens qui se marient plus tard ont souvent une maison à leur actif au moment de leurs noces. Un beau casse-tête en perspective!

En cas de divorce, la valeur de la maison doit être partagée... mais pas au complet. Le conjoint qui possédait la maison avant le mariage doit isoler la valeur de son actif avant le mariage, sans oublier la plus-value produite durant l'union.

Prenons un exemple simple. À 25 ans, André a acheté un condo d'une valeur de 100 000$ en versant une mise de fonds de 25 000$. Dix ans plus tard, il se marie avec Marie-France. Son hypothèque a baissé à 50 000$ et son condo vaut maintenant 200 000$.

Après 10 ans de mariage, André et Marie-France divorcent. Le condo vaut maintenant 400 000$ et le solde de l'hypothèque n'est plus que de 25 000$.

Comment isoler la part d'André du patrimoine familial? Pour le savoir, il faut se pencher sur la valeur nette du condo, c'est-à-dire la valeur marchande du condo moins le solde hypothécaire.

Au moment du mariage, la valeur nette s'élevait à 150 000$ (200 000$ moins 50 000$), soit 75% de la valeur du condo. André peut donc exclure la valeur nette de son condo au moment du mariage (150 000$) plus 75% de la plus-value durant le mariage, ce qui équivaut à 150 000$ puisque la valeur du condo a grimpé de 200 000$.

Au total, André peut donc exclure 300 000$. Il restera 75 000$ à partager (375 000$ - 300 000$) et la part de Marie-France sera de 37 500$.

«Celui qui n'était pas propriétaire de la maison avant le mariage se retrouve avec peu de chose. Parfois, c'est loin de ce qu'il avait pu imaginer», dit Mme Lafleur.

Pour simplifier les calculs, les gens qui se marient auraient avantage à annexer au contrat de mariage un bilan de tous les actifs qu'ils détiennent au jour du mariage, y compris la valeur marchande de la maison, conseille Mme Lafleur.

Autrement, il faut demander à un évaluateur d'établir la valeur de la maison à la date du mariage et à la fin de la vie commune.