L'été est bien amorcé, la saison des festivals aussi. Au Québec, les festivals majeurs reçoivent environ 20% de leur budget en subventions. Des dizaines de millions bien investis, mais qui n'ont rien à voir avec la générosité des gouvernements européens, qui fournissent jusqu'à la moitié du budget.

> Suivez Vincent Brousseau-Pouliot sur Twitter

Malgré des subventions d'environ 5 millions de dollars par année chacun, le Festival international de jazz de Montréal et le Festival Juste pour rire font à peine leurs frais. Les FrancoFolies de Montréal bouclent aussi difficilement leur budget.

Le Jazz n'a pas réussi cet été à dégager les surplus de 300 000$ habituellement réinvestis dans une série de concerts le reste de l'année. Qu'importe, son grand patron Alain Simard ne se plaint pas, même s'il aimerait recevoir les subventions de ses collègues français, qui atteignent 50% de leur budget au lieu du seuil de 20% au Québec.

«Le Festival de jazz est l'un des moins subventionnés du monde. Je ne dis pas ça pour me plaindre. Au contraire, j'en suis fier, mais on n'est pas dedans au Canada [en matière de subventions]», dit Alain Simard, PDG de Spectra et président fondateur du Festival international de jazz de Montréal (FIJM), des FrancoFolies de Montréal et de Montréal en lumière.

Même son de cloche chez un autre poids lourd du milieu des festivals québécois, Gilbert Rozon, qui plaide pour la création d'un troisième programme fédéral de subventions et la bonification du programme provincial gelé à 12,5 millions par année depuis 2007. «Ça changerait nos vies, ça donnerait une bulle d'oxygène, dit le PDG du Groupe Juste pour rire. On est pas mal au maximum pour ce qu'on peut aller chercher dans le privé en raison de la taille de notre marché.»

Dans son plan de relance économique, le gouvernement Harper a consacré 100 millions en deux ans pour soutenir les grands festivals au pays en 2009 et 2010. Juste pour rire et le Festival de jazz de Montréal ont reçu chacun 3 millions par année, le Festival d'été de Québec une moyenne de 2,8 millions par année. Comme prévu, la subvention fédérale a disparu cette année. D'où les budgets plus serrés.

«Partout où nous pouvions faire des coupes cette année, nous l'avons fait, dit Gilbert Rozon. C'est très désagréable, à la limite suicidaire, de faire un festival sans avoir de marge de manoeuvre. Nous n'avons pas d'argent pour prendre des risques.»

12 jours plutôt que 10

«Sans ce programme, nous n'avions pas pu faire venir Stevie Wonder pour l'ouverture de la place des Festivals [en 2009]», dit Alain Simard. Cette subvention a permis au Jazz, qui génère 1 million de dollars en retombées économiques par jour, de se tenir sur 12 jours plutôt que 10.

Deux journées de moins, ça fait une différence pour les hôteliers.»

Les grands festivals reçoivent toujours des subventions de Patrimoine Canada pour la culture et de Développement économique Canada pour le rayonnement international, mais ils aimeraient un troisième programme de subventions. «Nous l'espérons d'ici le prochain budget», dit Martin Roy, PDG du Regroupement des événements majeurs internationaux (REMI), qui comprend 21 membres, dont les trois festivals de Spectra, le Festival Juste pour rire et le Festival d'été de Québec.

Le REMI veut toutefois moins de critères que le défunt programme du plan de relance. «Nous voulons de l'argent frais pour investir dans la programmation, dit Martin Roy. Faire venir une vedette, c'est aussi faire de la promotion à l'étranger. Quand Rammstein chante au Festival d'été de Québec, ils ont des fans d'aussi loin que Los Angeles qui viennent les voir.»

Alain Simard assure que les gouvernements feraient une bonne affaire en haussant leurs subventions. «Seulement en recettes fiscales, nos festivals renvoient deux fois plus aux gouvernements que la valeur de nos subventions, dit le PDG de Spectra. Les retombées économiques de nos festivals profitent à tous, y compris aux gouvernements, mais il faut nourrir la poule aux oeufs d'or. Ces subventions ne vont pas dans les poches de Spectra: elles génèrent des retombées économiques et du rayonnement international pour Montréal.»

Selon l'étude du REMI, les 21 événements majeurs génèrent des retombées de 320 millions et des recettes fiscales de 93,4 millions pour les gouvernements.

Pour l'instant, le ministre fédéral du Patrimoine, James Moore, ne se mouille pas sur la question d'un nouveau programme de subventions. «Nous continuons à travailler avec les organisations d'arts et de culture, partout au pays, afin de répondre à leurs besoins», a indiqué son attaché de presse, Sébastien Gariépy, à La Presse Affaires par courriel.

Budget gelé à Québec

Si les festivals regardent davantage du côté d'Ottawa, c'est que la tarte augmente peu à Québec. Mais le nombre de convives, lui, croît.

Depuis 2000, le gouvernement du Québec subventionne les festivals avec plus de 15 000 visiteurs et un chiffre d'affaires d'au moins 300 000$. La tarte à partager est passée de 10 à 12,5 millions en 2007. «Nous sommes 18 événements au lieu de 10 au départ, dit Gilbert Rozon. L'enveloppe a besoin d'être étoffée, ne serait-ce qu'à cause de l'inflation.»

Les festivals québécois ne devraient pas s'attendre à des sommes bonifiées à court terme, prévient la ministre du Tourisme, Nicole Ménard. «Depuis deux ans, je travaille très fort pour maintenir le programme à 12,5 millions, dit-elle. À cause des restrictions budgétaires, l'objectif est de maintenir la somme pour cette année et l'an prochain.»

En Ontario, le gouvernement de Dalton McGuinty donne 20 millions par année à 230 festivals. «C'est une sacrée bonne décision de l'Ontario, qui nous a copiés et a décidé d'être agressif», dit Gilbert Rozon.

Combien les grands festivals reçoivent-ils des gouvernements en Europe et aux États-Unis? Entre 40% et 50%, selon Spectra. Dans un excès d'enthousiasme, Juste pour rire parle de 50% à 70%. La dernière étude sérieuse sur le sujet au Québec, réalisée par la Chaire de tourisme de l'UQAM pour le compte du ministère du Tourisme, remonte à 2005. Conclusion: l'aide gouvernementale atteint en moyenne 10% aux États-Unis, 30% en Australie, 34% au Royaume-Uni et 50% en France. En plus de leurs subventions directes, les festivals américains touchent parfois une taxe sur l'hébergement et des budgets additionnels des municipalités. Au Québec, les trois plus importants festivals reçoivent actuellement de 15% à 20% de leur budget en subventions, selon les données compilées par La Presse Affaires. La moyenne des 12 festivals québécois nous ayant communiqué leurs chiffres : 19,5%.