Si l'Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador peuvent compter sur leurs richesses naturelles pour bonifier leurs finances publiques, le Québec ne pourra en faire autant, même s'il exploitait tout son gaz de schiste et ses richesses minérales.

La raison est fort simple, il n'en a pas assez. «Si le Québec comptait 3000 puits, c'est 399 millions de redevances gazières qui seraient engrangées», calcule Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins. C'est bien peu quand le seul service de la dette représente des dépenses fiscales de

6,9 milliards pour l'année budgétaire en cours.

Or, il y a à peine une trentaine de puits forés et aucun en exploitation, compte tenu du quasi-moratoire décrété par le Bureau d'audiences publiques en environnement.

Dans l'édition estivale du magazine Perspectives de l'institution lévisienne, Mme Noreau signe un dossier très fouillé sur l'importance relative des ressources naturelles dans l'économie québécoise et le potentiel de revenus qu'elles représentent pour l'État.

Premier constat : les richesses naturelles (qui incluent en plus des mines l'agriculture, la pêche, la forêt et l'hydroélectricité) représentent à peine 2,2% de la taille de notre économie, contre 22% pour celle de l'Alberta, 23,7% pour sa voisine orientale et 28,7% pour la dernière venue au sein de la Confédération.

Même en augmentant considérablement sa part, avec la réalisation du Plan Nord par exemple, le Québec restera loin du compte.

Il existe néanmoins beaucoup de potentiel à développer que Mme Noreau examine segment par segment.

Dans le secteur minier, les prix élevés de l'or poussent les sociétés minières à exploiter de nouveau des gisements longtemps délaissés. On estime à 36 300 kilos la production cette année, soit 46% de plus que l'an dernier.

De tous les minéraux, qu'ils soient métalliques, industriels comme le soufre ou la tourbe, ou matériaux de construction comme le ciment ou le sable, seul le tonnage de pierres devrait un peu fléchir cette année.

La valeur totale des expéditions devrait dépasser les 8,2 milliards, dont près du quart est assuré par le fer.

Les prix élevés favorisent les investissements, mais l'industrie minière est très cyclique et l'exploitation très sensible à leur fluctuation. Les redevances minières sont évaluées à 1,4 milliard, mais ce chiffre ne tient pas compte des coûts d'aménagement du territoire.

Le secteur minier demeure plus humble que celui de l'agriculture et de la pêche, qui générait l'an dernier plus de 8,8 milliards et qui nourrit une industrie de transformation très dynamique.

En outre, les agriculteurs s'adaptent vite aux réalités du marché, comme en font foi les producteurs de soja, dont les livraisons à l'étranger ont plus que triplé en cinq ans et sont tout juste dépassées par celles de viande et de carcasses de porc.

Mme Noreau constate que le secteur forestier est en train de se redresser lentement après la fermeture de 174 usines de bois, de pâtes et de meubles. «Contrairement aux métaux, la demande de produits forestiers est plus continentale», observe l'économiste, qui constate cependant que la part des livraisons québécoises de bois vers les États-Unis est passée de 50% en 2000 à tout juste 28,7% l'an dernier. L'effondrement de la construction résidentielle et de l'industrie des journaux explique cette chute.

Il ne faut pas oublier cependant que la forêt fait vivre encore plus de personnes que le sous-sol.

Si le Québec est pauvre en or noir, on lui envie son or bleu, qui permet de générer une énergie renouvelable et propre. «L'eau est une ressource de plus en plus convoitée, écrit Mme Noreau. Elle n'est pas cotée en Bourse, n'a pas de prix, mais elle vaut son pesant d'or.»

Mais comment l'État peut-il en retirer des redevances, hormis celles imposées à Hydro-Québec?

Depuis le début de l'année, toutes les industries, sauf l'agriculture, paient une redevance de 7 cents par mètre cube. Même si elle est 20 fois plus élevée qu'en Ontario, cela représente des rentrées fiscales annuelles de 8,8 millions.

Et de conclure gentiment, Mme Noreau: «Dans les conditions actuelles, tabler sur les ressources naturelles pour redresser les finances publiques paraît prématuré.»