Il n'y a visiblement pas trop de 865 campings au Québec. Tandis que les campeurs sont plus que jamais au rendez-vous, le nombre d'emplacements ne suffit pas autour de Montréal, des campings doivent fermer pour laisser place à des quartiers résidentiels, et il est extrêmement compliqué d'en ouvrir des nouveaux. Résultat : la valeur des terrains existants grimpe, et des «chaînes» de l'extérieur du Québec commencent à acheter.

«Le business du camping est en excellente santé», affirme André Blain, courtier immobilier spécialisé dans la vente de terrains de camping chez Century 21. Tellement en santé, en fait, qu'il manque de places saisonnières autour de Montréal et Québec, soutient celui qui a vendu 140 terrains depuis 18 ans.

Le développement des banlieues n'aide pas. Dans les deux dernières années, un camping a fermé à Laval, et deux autres dans la région de Vaudreuil-Soulanges, pour laisser place à des développements domiciliaires. Et Camping Québec s'attend à voir d'autres terrains disparaître de la même façon.

De l'autre côté, bâtir un nouveau terrain de camping est un défi d'une énorme complexité. «Ç'a pris au-dessus de deux ans pour avoir toutes mes autorisations, le temps que les ministères se lancent la balle», rage Michel Dauphinais. Avec son frère, il a ouvert l'an dernier Le Dauphinais, un établissement tout neuf de 40 sites à Hemmingford. «Un peu plus, et je n'ouvrais pas de camping.»

«C'est très rare de voir un nouveau camping partir de zéro, souligne le directeur général de Camping Québec, Simon Tessier. C'est excessivement coûteux, et ça touche à tous les ministères. Ça prend beaucoup de permis et d'autorisations, et toute une ingénierie pour amener des services dignes d'un développement résidentiel.»

M. Dauphinais évoque un investissement initial de plus d'un million de dollars, compte tenu des plans de croissance déjà prévus. Sans compter le prix du terrain, dont la famille était déjà propriétaire. Les banques sont très frileuses. Simplement pour acheter un terrain de camping existant, elles exigent pour la plupart une mise de fonds de 40 %, ou des garanties équivalentes. Michel Dauphinais a finalement réussi à obtenir un appui total de 500 000 $ de Desjardins et de la Banque de développement du Canada, avec qui avait il déjà des relations d'affaires.

Au Domaine de Rouville, le plus gros camping au pays, le copropriétaire Luc Robillard fait aussi état des coûts très élevés. «Juste le terrain qu'on occupe (un peu plus de deux kilomètres carrés), ce ne serait plus achetable aujourd'hui.» Les infrastructures sont très coûteuses, ne serait-ce que pour répondre aux normes élevées. Un pavillon sanitaire coûte 250 000 $, et le camping devra débourser un million pour une nouvelle de filière de filtration d'eau. Luc Robillard évalue que chaque nouvel emplacement qu'il voudrait ajouter lui coûterait jusqu'à 9000 $ l'unité.

Bond de la valeur

Malgré les obligations et les dépenses, l'industrie est très rentable. Ce n'est pas pour rien que beaucoup de gens de 45 à 55 ans souhaitent acquérir un camping pour leur fin de carrière, question de ne travailler que six mois par année, note André Blain. Mais ça coûte de plus en plus cher. En 15 ans, le prix de vente des terrains est passé de 3 fois à 5 fois les bénéfices. Les prix que M. Blain a actuellement dans sa liste de propriétés varient entre 290 000 $, pour un terrain de 60 emplacements près de St-Georges-de-Beauce, à 1,6 million, pour les 160 sites du Camping de l'Estrie, près de Granby.

La majorité des campings privés sont des entreprises familiales. Or, un peu comme les terres agricoles, la forte prise de valeur empêche parfois les enfants d'acheter les actifs de leurs parents, observe Simon Tessier, de Camping Québec.

Un nouveau joueur de Calgary

Mais d'autres sont prêts à profiter de la bonne santé de l'industrie. Parkbridge Lifestyle Communities, de Calgary, a acheté un premier terrain de camping au Québec en février 2007 et en compte déjà sept (dont Alouette, à Saint-Mathieu-de-Beloeil), en plus de deux parcs de maisons mobiles. «Et on veut acheter d'autres terrains dès cette année», confirme la gérante régionale Sandra Pétrin, qui précise que Parkbridge ne souhaite pas changer la vocation des terrains qu'elle achète.

Simon Tessier a constaté l'entrée de ce gros joueur de l'Ouest sur le marché. «Dans la mesure où la société fait la promotion du camping, c'est OK, dit-il. Mais ce sont des entreprises québécoises qui passent en d'autres mains. Ça montre qu'il n'y a pas grand monde au Québec qui est capable d'acheter de grosses entreprises.»