Deux universitaires recommandent l'abolition de la taxe scolaire comme moyen de financement de l'éducation en raison de son iniquité et de son inefficacité.

Une enquête de La Presse Affaires parue le 24 février dernier révélait que les taxes scolaires ne cessent d'augmenter même si le nombre d'élèves est en diminution tant au primaire qu'au secondaire. De plus, les taxes scolaires évoluent dans certaines villes de façon arbitraire sans lien avec l'augmentation de la valeur foncière depuis l'entrée en vigueur de la Loi 43 en 2007-2008. Certains propriétaires de villes en expansion démographique, comme Saint-Amable en Montérégie, voient leurs taxes scolaires diminuer même si la valeur de leur propriété a explosé pendant la période.

«Quand on regarde les résultats de l'enquête, ça met en évidence un certain nombre d'injustices qui me paraissent assez flagrantes et qui remettent en question le financement de l'éducation dans son ensemble», dit, dans un entretien, Jean Bernatchez, politicologue spécialisé en éducation. Professeur à l'Université du Québec à Rimouski, M. Bernatchez détient un doctorat en administration et politique scolaires. «Ça me paraît assez évident qu'à partir du moment où un mode de taxation est injuste, on doit réagir d'un point de vue politique à tout le moins. Je serais curieux de savoir ce que pense Mme Beauchamp (NDLR: ministre de l'Éducation) de ça. C'est assez difficile à défendre.»

Tant qu'à revoir en profondeur la taxe scolaire, la société devrait aussi remettre en question les commissaires scolaires élus par environ 8% de la population seulement, poursuit M. Bernatchez.

L'idée d'abolir les taxes scolaires et les commissaires élus est aussi prônée par Robert Gagné, économiste et professeur titulaire de HEC Montréal. Il a signé une note économique en 2007. «Le conseil des commissaires sert juste à justifier la perception d'une taxe scolaire. On ne va quand même pas taxer sans représentation politique», dit-il, au téléphone.

M. Gagné considère la taxe scolaire comme injuste et inefficace. «La taxe scolaire est régressive parce qu'elle n'est pas en lien avec le revenu du contribuable. Deux, la taxe est inefficace, car il n'y a aucun lien entre la taxe et les services reçus. De plus, au niveau où la taxe scolaire est rendue, elle est sur le bord de changer les comportements sans raison valable», fait-il valoir.

«On taxe les cigarettes pour en décourager l'utilisation. La propriété d'une résidence est-elle un facteur indésirable dont il faut décourager l'utilisation», se demande celui qui a signé la note en tant que chercheur associé à l'Institut économique de Montréal, un groupe de réflexion prônant le libéralisme économique. Pour cet économiste, l'éducation est un service public qui devrait être financé à 100% par les taxes et impôts au niveau national.

On a par la suite demandé à Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke ce qu'il pensait de l'idée d'abolir la taxe scolaire. «Ce n'est pas une mauvaise chose que les citoyens voient qu'une partie de leurs impôts sert à financer l'éducation, mais peut-être que l'assiette fiscale retenue n'est pas la bonne», convient-il.

Il s'interroge sur la façon dont le gouvernement pourrait remplacer la taxe scolaire. Les Québécois paient déjà plus d'impôt sur le revenu que les autres Canadiens. Quant à la TVQ, le gouvernement l'a déjà augmentée de deux points de pourcentage. Reste peut-être l'idée d'une cotisation à l'éducation à l'image de la controversée contribution santé de 200$ que la plupart des adultes québécois devront payer à compter de 2012.

M. Godbout calcule qu'une contribution éducation devrait s'élever à 300$ par adulte pour remplacer les 1,46 milliard perçus par la taxe scolaire. Des revenus de 1,5 milliard représentent en gros les recettes d'un point de plus de TVQ.