L'association qui représente les firmes de génie-conseil défend leur droit d'offrir des cadeaux raisonnables à leurs clients et de déterminer elles-mêmes lesquels sont raisonnables.

Alors que l'entreprise d'ingénierie BPR fait régulièrement les manchettes depuis des mois en raison des pratiques qu'on lui prête, l'Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ) est d'avis que ces pratiques ne sont peut-être pas toutes aussi condamnables qu'on semble le laisser croire dans les médias.

«Quand on est en affaires, c'est une bonne idée d'être près de ses clients et de tenter de comprendre leurs besoins, a fait valoir en entrevue sa présidente-directrice générale, Johanne Desrochers, qui a sans surprise refusé de discuter du cas précis de BPR. Je ne pense pas que ce soit des pratiques répréhensibles que de vouloir être près des clients. C'est comme ça quand on est en affaires.»

«Quant à la question des cadeaux, je pense que chacun est responsable de savoir où sont les limites, a ajouté Mme Desrochers. Et les limites, elles varient d'une industrie à l'autre, elles varient d'un secteur à l'autre. Chaque entreprise et chaque client a ses propres règles et l'important, c'est que ce soit respecté par les deux côtés.»

La patronne de l'AICQ a refusé de dire quels cadeaux pourraient être considérés comme acceptables parmi ceux qui ont fait les manchettes, allant de voyages de pêche à des soupers arrosés au restaurant.

En fait, on aurait tort d'essayer de définir les limites de ce qui est acceptable, a estimé Johanne Desrochers.

«On ne peut pas parler d'une règle en général et dire que c'est répréhensible dans tel cas, a-t-elle affirmé. Non. Ça peut être répréhensible dans un cas et pas dans l'autre. Ce sont tous des cas particuliers.»

La direction de l'AICQ a tenté l'automne dernier de rencontrer des gens du bureau du Commissaire au lobbyisme, afin de comprendre ce qu'il voit de si répréhensible dans les activités de certains ingénieurs. Elle attend toujours qu'il la relance.

Mme Desrochers se pose de nombreuses questions, d'autant plus qu'«une grande partie des activités des ingénieurs-conseils entre dans les exceptions» que prévoit la Loi sur le lobbyisme.

«Pour vous donner des exemples, tout l'aspect développement des affaires est un élément qui est exclu de la Loi sur le lobbyisme, a-t-elle souligné. Pour pouvoir avoir des mandats, il faut évidemment faire du développement des affaires. Il y a un autre volet qui est exclu: c'est lorsqu'on est dans des situations d'appels d'offres publics. Or, au Québec, les mandats aux firmes d'ingénierie sont octroyés par appels d'offres publics. Et au-delà de ça, pour qu'une personne soit considérée comme lobbyiste, il faut qu'une partie importante de son travail soit constitué d'activités considérées comme des activités de lobbyiste par la loi, si bien que beaucoup de cas, dans les activités des firmes, entrent dans ces exceptions-là.»

«Tout ça revient aussi à un certain degré de bon sens, a dit croire Mme Desrochers. Lorsqu'on est éthique, on sait pas mal ce qu'on peut ou non accepter ou offrir.»

Le Commissaire au lobbyisme a institué deux enquêtes en six mois sur les activités de BPR. Il a récemment remis au Directeur des poursuites criminelles et pénales un rapport concernant la première de ces deux enquêtes. Celui-ci fait état de 84 infractions qui aurait été commises dans le Bas-Saint-Laurent.