Depuis un quart de siècle, le Québec prend un retard économique considérable sur le reste du Canada dans la plupart des domaines hormis peut-être la recherche et le développement.

En présentant plusieurs pièces à conviction pour soutenir ce constat déprimant, l'économiste Marcel Boyer présente aussi un programme en 12 points pour tenter de renverser la vapeur dans un délai raisonnable.

Son plan de match présenté dans La performance et le développement économiques du Québec: les douze travaux d'Hercule publié par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) se veut une concrétisation de son Manifeste pour une social-démocratie concurrentielle (SDC) paru l'an dernier. La SDC y est définie comme suit: «Le gouvernement établit les besoins des citoyens en biens et services publics et gère les contrats et les partenariats pour leur production et leur distribution par le secteur concurrentiel». Le rôle de l'État y est donc rigoureusement circonscrit.

Les 12 travaux proposés par M. Boyer visent 8 objectifs ambitieux:

1) atteindre d'ici 15 ans le niveau moyen du PIB par habitant au Canada;

2) sortir d'ici sept ans du groupe des provinces qui reçoivent de la péréquation;

3) atteindre d'ici cinq ans le taux d'emploi moyen au Canada. Cela représente la création de 110 000 emplois par année pendant cinq ans. La moyenne de 2000-2008 est de 61 500;

4) atteindre d'ici cinq ans le taux moyen de prestataires d'assurance emploi au Canada;

5) combler d'ici trois ans notre déficit d'investissements privés;

6) atteindre d'ici 25 ans le niveau de dette par habitant de l'Ontario;

7) caractériser et combler le déficit de commercialisation de la R&D;

8) combler le déficit de population de jeunes (0-15 ans) et de jeunes travailleurs (15-44).

M. Boyer insiste à plusieurs reprises sur l'importance de comprendre et conceptualiser les objectifs. Cette intellection ne sera pas suffisante cependant. Elle exigera surtout du courage pour les atteindre, comme il en a fallu au demi-dieu grec.

Ceux qui connaissent M. Boyer ne seront pas surpris que le premier des travaux d'Hercule Québec consiste à redéfinir le rôle du secteur public. Cela «exigera dans plusieurs cas une réduction de l'envergure actuelle de plusieurs institutions publiques, en particulier dans la production et la distribution des biens et services publics et sociaux et dans certains cas un véritable démantèlement de l'appareil fonctionnarisé», écrit-il.

Il prône aussi l'application systématique de la vérité des prix. Il faut ainsi mettre fin au pacte social sur l'électricité patrimoniale et sur la gestion de l'offre des produits laitiers, de la volaille et des oeufs, «une véritable arnaque du droit des clients/citoyens à des produits de qualité aux meilleurs coûts».

L'économiste principal de l'Institut économique de Montréal propose aussi le recours à des mécanismes concurrentiels entre unités du secteur public et privé, dans les écoles en particulier.

Il préconise une réforme de la taxation qui vise davantage la consommation que le revenu global qui devrait néanmoins être frappé d'un impôt minimum. Il souhaite du même souffle l'abolition du salaire minimum et son remplacement par un programme de redistribution directe qui stimulerait l'acquisition de compétences et récompenserait la réussite en la matière.

Il propose aussi l'examen approfondi de la R&D qui obtient peu de succès de commercialisation.

Sans surprise, il prône la participation accrue du secteur privé au sein du régime public de santé et fustige certaines «règles bureaucratiques servant surtout à maintenir de mesquins pouvoirs de petits monopoles». Il souhaite aussi qu'on fixe un juste prix à l'eau douce et qu'on tire profit de l'exploitation responsable de cet «or bleu».

Enfin, il réitère sa foi dans les partenariats public-privé pour le maintien et le développement des infrastructures.

La réalisation de ces travaux et programmes se veut une nouvelle révolution tranquille. «À défaut de la réaliser, le Québec est voué à l'appauvrissement relatif», diagnostique M. Boyer.