Depuis deux ans, les sociétés d'État québécoises ont dû revêtir des habits plus transparents à la demande de leur actionnaire, le gouvernement. La Loi sur la gouvernance des sociétés d'État, rendue nécessaire par la mise au jour d'un scandale gênant sur la fixation des prix à la SAQ, a-t-elle amélioré la gestion de ces entreprises? Pas sûr, parce que de grandes zones d'ombre demeurent.

C'est dans le rapport annuel des sociétés d'État que se trouve le changement le plus visible. La rémunération versée aux cinq dirigeants les mieux payés doit y figurer. Ça peut paraître peu de chose, mais c'est une petite révolution dans les us et coutumes de ces sociétés publiques, qui restent très privées dans leur fonctionnement.

Jusqu'à tout récemment, les salaires payés par les contribuables québécois à ceux qui dirigent la Caisse de dépôt, Hydro-Québec et les autres n'étaient pas secrets, mais il fallait pour les connaître fouiller dans la très peu user friendly Gazette officielle et décoder son jargon.

Les six sociétés d'État québécoises qui brassent le plus d'argent sont maintenant obligées d'être un peu moins pudiques. Ce n'est pas tellement dans nos moeurs, remarque Marcelin Joanis, professeur à la faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke.

«En Ontario, le gouvernement publie depuis des années la liste des employés qui gagnent plus de 100 000$ par année», souligne-t-il.

Autres provinces, autres moeurs. L'Alberta, qui n'a pas de sociétés publiques à vocation commerciale comme au Québec, se fait un devoir de publier chaque mois les dépenses de tous les ministères du gouvernement, dans le menu détail et de rendre le tout accessible sur internet.

La plus petite des PME doit aussi se déshabiller publiquement si elle est inscrite en Bourse, pour le bénéfice de ses actionnaires. Ces informations sont contenues dans la circulaire de la direction envoyée chaque année aux actionnaires et mise en ligne sur le site SEDAR (voir capsule).

Même si tous les Québécois en sont actionnaires, les sociétés d'État échappaient jusqu'à tout récemment aux règles les plus élémentaires de divulgation que doit observer le secteur privé. Même maintenant, leurs obligations en termes de divulgation sont nettement insuffisantes, estime Luc Bernier, professeur à l'École nationale d'administration publique.

Les régimes de retraite, notamment, sont encore des secrets biens gardés. Et le vérificateur général du Québec n'a toujours pas le droit d'examiner la gestion des sociétés d'État à vocation commerciale.

Autre changement, la Loi sur la gouvernance oblige les sociétés d'État à rémunérer les membres de leur conseil d'administration, et à divulguer cette rémunération dans leur rapport annuel.

En retour, le conseil d'administration hérite de responsabilités supplémentaires. C'est lui qui approuve la rémunération des dirigeants, salaires et bonis. Il doit aussi se montrer plus critique de la gestion des sociétés d'État, ce qui était difficile à demander à des administrateurs bénévoles souvent choisis par ceux-là mêmes qu'ils devaient contrôler et qui étaient récompensés par ces mêmes dirigeants, en voyages ou en bouteilles de vin.

La reddition de comptes des sociétés d'État s'est améliorée, constate François Renaud, président de l'Ordre des comptables en management, mais ça ne signifie pas qu'elles sont mieux gérées qu'avant.

«Il ne faudrait pas se faire d'illusions, ce n'est pas la divulgation de la rémunération qui assure une meilleure gestion», dit-il.

Selon lui, c'est à l'usage qu'on verra si les conseils d'administration sont à la hauteur de ce qu'on attend maintenant d'eux. Car pour l'instant, reconnaît-il, les administrateurs des sociétés d'État sont en majorité les mêmes qu'avant la loi, à la différence qu'ils sont payés pour faire leur travail.

Reste à voir si, à mesure que les mandats arriveront à terme, le gouvernement nommera des administrateurs à la hauteur des nouvelles responsabilités qui leur sont confiées.

Luc Bernier, de l'ENAP, n'y croit pas. «C'est une dérive de donner trop d'autonomie au conseil d'administration des sociétés d'État, qui n'est généralement pas capable de résister à la pression (des dirigeants), estime-t-il.

 

SEDAR

Les entreprises inscrites en Bourse, petites et grandes, doivent divulguer la nature de leurs activités, leur situation financière et d'autres informations pertinentes au Système de données, d'analyse et de recherche (SEDAR) des Autorités canadiennes en valeurs mobilières. L'information est accessible sur le site www.sedar.ca