«C'est une stratégie qui permet de taire ce qu'on aurait pu entendre durant un procès au criminel», a déploré une victime de Vincent Lacroix, après avoir appris son aveu de culpabilité.

«Nous raterons des témoignages qui nous en auraient appris davantage sur le fonctionnement de Norbourg», a commenté un analyste aguerri en finance et de la gestion d'entreprise.

À n'en pas douter, l'aveu de culpabilité du maître d'oeuvre de la fraude de 115 millions de dollars des fonds Norbourg et ses 9000 victimes suscite des réactions mitigées.

Mais à l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui a encore maille à partir avec la peine de prison obtenue contre Lacroix au terme d'un procès civil l'an dernier, on se réjouissait au moins de son incarcération immédiate.

«Il faut que Vincent Lacroix paie pour les crimes qu'il a commis», a indiqué le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge.

D'autant plus que l'AMF doit décider très bientôt si elle s'adressera à la Cour suprême du Canada pour contester la réduction de peine civile de plus de moitié (de 12 ans à 5 ans moins un jour) obtenue récemment par Vincent Lacroix, en Cour supérieure puis en Cour d'appel du Québec.

Quant à la culpabilité avouée par Lacroix, si plusieurs se réjouissent de son emprisonnement accéléré, d'autres déplorent que sans un procès criminel, on ne pourra lever le voile sur des éléments de l'affaire Norbourg encore méconnus, malgré le procès civil gagné par l'AMF.

Une victime de Norbourg, Gilles Viel, dépouillé d'environ 275 000$, a confié hier qu'il aurait préféré que le procès ait lieu «pour qu'on puisse tenter d'obtenir réponse aux nombreuses questions qui restent en suspens».

Constat semblable pour Michel Nadeau, un ex-haut dirigeant de la Caisse de dépôt et placement qui dirige maintenant l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques. «Cela privera les victimes de Lacroix, mais aussi l'opinion publique, de tout l'impact d'un cas exemplaire de fraude financière traitée par la justice criminelle, dit-il.

«Aussi, un procès au criminel et surtout les témoignages qu'on y aurait entendus nous auraient permis d'en savoir davantage sur le fonctionnement de Norbourg.

«Qui décidait quoi au jour le jour? Qui commandait les falsifications de documents et les détournements de fonds? Aussi, que savaient les interlocuteurs d'affaires de Norbourg et de Vincent Lacroix?»

Un procès pour les adjoints

Mais au moins, souligne M.Nadeau, un espoir de réponses à ces questions demeure du côté du procès au criminel contre les ex-adjoints de Lacroix. Notamment pour ses victimes, qui s'interrogent encore sur l'usage de leurs fonds détournés.

Les cinq coaccusés de Lacroix sont des hommes âgés de 38 à 58 ans qui furent les principaux dirigeants financiers, comptables et informatiques chez Norbourg.

Ils font face chacun à des lots de 93 à 174 chefs d'accusations criminelles. Ce n'est guère moins que les 200 accusations auxquelles Vincent Lacroix s'est avoué coupable, hier, alors que la sélection des jurés de son procès était encore en cours.

Dans le cas des cinq coaccusés de Lacroix, à moins qu'ils ne décident à leur tour de plaider coupable, la sélection des jurés pour leur procès au criminel se poursuit.

«Au-delà des peines de prison plus lourdes qu'au civil, l'intérêt principal d'un procès au criminel est d'entendre des témoins qui n'ont pu être convoqués lors du procès au civil», a expliqué un avocat en droit des affaires, qui préfère taire son identité.

«Entre autres, on aurait pu entendre des proches de Vincent Lacroix que l'on soupçonne d'avoir profité de certains actifs qu'il aurait achetés avec des fonds détournés.»