Sa principale requête en arrêt du processus judiciaire ayant été rejetée hier matin par le juge Richard Wagner, Vincent Lacroix l'aura vraisemblablement, son procès criminel pour fraudes. Mais il n'aura peut-être plus d'avocat.

Me Marie-Hélène Giroux et Me Clemente Monterosso, qui représentent le grand manitou de Norbourg, ont annoncé hier matin leur intention de ne plus représenter Lacroix à partir du 23 septembre, soit au jour prévu du début du procès.

Cela parce que Lacroix n'a pas les moyens de payer ses avocats pour ce procès criminel qui doit durer quatre mois, et les payer aussi pour les différents appels en vue, ou qui pourraient se présenter.

Lors d'un point de presse, Me Giroux a notamment fait allusion au fait que l'Autorité des marchés financiers jongle avec l'idée de contester en Cour suprême la dernière réduction de peine qui a été accordée à leur client par la Cour d'appel (de huit à cinq ans). Elle a aussi fait valoir qu'il pourrait y avoir appel de la décision rendue hier matin. Cet appel ne serait cependant possible qu'à la fin du procès. «Son enveloppe budgétaire a éclaté. Elle est très limitée», a dit Me Giroux en parlant de Lacroix.

Étonnement

De leur côté, les avocats du ministère public se sont dits «étonnés» par cette requête des avocats de Lacroix, qui survient à quelques jours du procès. Ils s'y opposeront vivement d'ailleurs, vu sa «tardiveté». «Quand on représente quelqu'un pour faire un procès, on doit faire le procès», croit le procureur de la Couronne, Serge Brodeur.

La requête pour cesser d'occuper sera présentée au juge Wagner demain matin, en même temps que l'autre requête en arrêt du processus judiciaire de Lacroix. Celle-ci allègue que Lacroix ne pourra avoir un procès juste et équitable, vu l'abondante publicité négative faite à son endroit. Le juge Wagner n'a manifestement pas l'intention d'étirer les procédures préliminaires. Il a signalé que la sélection du jury doit commencer lundi, et que 2500 citoyens ont été appelés à se présenter comme candidats, ce qui est énorme.

Pareil pas pareil

Rappelons que Lacroix et cinq ex-collaborateurs du temps de Norbourg seront jugés sous 200 accusations de fraude, complot, fabrication de faux, et recyclage des produits de la criminalité. Lacroix a tenté de se soustraire à ce procès, en faisant valoir qu'il avait déjà été jugé et condamné pour les mêmes gestes, lors du procès pénal que lui a fait subir l'Autorité des marchés financiers, en 2007. À titre d'exemple, pour étoffer les accusations de fraude, le ministère public a utilisé 112 des 137 transactions pour lesquelles Lacroix a été déclaré coupable au pénal d'avoir manipulé les titres.

Dans sa décision rendue hier, le juge Wagner convient qu'il y a des similitudes entre les accusations au pénal et au criminel, mais conclut qu'il a des distinctions.

La Loi des valeurs mobilières est de nature réglementaire, et vise à protéger l'investisseur et régir le système de valeurs mobilières. Elle fait fonction de prévention, alors que le Code criminel ratisse beaucoup plus large et agit de manière répressive.

Le Code criminel s'applique à tout individu, peu importe son domaine d'activités, a résumé le juge. Autrement dit, un régime n'exclut pas l'autre, même si dans le cas présent, cela a créé de la confusion.

«En l'espèce, le dépôt des plaintes pénales avant celui des plaintes criminelles et la recherche d'une peine d'emprisonnement exemplaire sans précédent en semblable matière ont peut-être réjoui ou rassuré les tenants d'une justice pénale quasi criminelle, mais en ce faisant, ils ont fragilisé les fondements des deux régimes de justice pénale et créé chez le grand public des expectatives exagérées tout en contribuant à la confusion des genres», a noté le magistrat, au début de son jugement.

Signalons enfin que Lacroix a assisté à l'audience, assis dans la toute dernière rangée de la salle. Il devrait témoigner demain sur son manque de moyens pour payer ses avocats. Si la requête pour cesser d'occuper devait être refusée, ses avocats pourraient demander l'aide de l'État, a fait valoir Me Giroux.