«Dans le groupe des 55 ans et plus ou des 60 ans et plus, le taux de participation est systématiquement plus faible (au Québec) que dans le reste du Canada.»

Pour sa première entrevue de fond à titre de ministre, Clément Gignac avait fait préparer des statistiques. Un des tableaux est tout petit, mais, selon lui, il pourrait avoir un impact important sur l'économie du Québec dans les prochaines années. Son thème: le taux d'activité des 55 ans et plus.

Ce qu'on y lit? Que moins de 30% des Québécois de 55 ans et plus ont un emploi ou en cherchent un. Bref, ils ne sont pas actifs sur le marché du travail. En 1998, ils l'étaient encore moins, à 22%.

L'écart entre le Québec et le Canada s'est toutefois creusé au cours des dix dernières années, passant de 2,6 points de pourcentage à 4,5. Historiquement, ce sont les femmes qui sont moins actives sur le marché du travail.

«Je pense non seulement au plan humain, à la valorisation des gens de 55 ans et plus ou 60 et plus, mais aussi à l'apport économique de ces gens-là. Ils ont de l'expertise, ces gens-là, au niveau de la formation des plus jeunes.»

Conscient que son idée risque de faire sourciller ceux qui rêvaient à la liberté 55, il précise : «On ne forcera pas personne.»

L'ancien économiste en chef de la Banque Nationale, nommé ministre à la fin juin, reste flou sur la façon de procéder. Les idées, qu'il débat avec le ministre des Finances, Raymond Bachand, et celle responsable des aînés, Marguerite Blais, sont encore «embryonnaires», dit-il, mais «il y a quelque chose à réfléchir de ce côté-là qui serait un élément pour éviter cette décélération du PIB potentiel».

Le PIB potentiel... C'est un peu technique, mais disons que c'est la croissance possible de l'économie du Québec, dans une situation de pleine utilisation des ressources. Les économistes s'entendent sur le constat: ce PIB potentiel sera en forte baisse dans les prochaines décennies au Québec. Donc, la croissance sera moins grande, même si l'économie tourne à plein régime et cela, parce qu'il y aura moins de travailleurs disponibles.

Dans une récente étude, les économistes de Desjardins ont même calculé qu'à partir de 2014, soit dans cinq ans, le nombre de personnes en âge de travailler au Québec commencera à baisser. Ce qui aura une incidence sur la croissance économique... et les finances publiques québécoises.

Le ministre Gignac en est conscient. «Il faut travailler sur la création de richesse, une création de richesse plus rapide, et là, la marge de manoeuvre au niveau fiscal, au niveau du maintien de la qualité des programmes sociaux, va s'établir davantage.»

Dans l'espoir d'augmenter cette possibilité de croissance de l'économie, le gouvernement a notamment haussé les seuils d'immigration et signé des ententes de mobilité de la main d'oeuvre. M. Gignac annoncera aussi cet automne une nouvelle politique de l'innovation, en espérant que ça aura un impact sur la productivité des Québécois, que l'économie pourra produire davantage, avec moins de personnel.

«Au niveau de la création de richesse, il faut retourner toutes les pierres, dit-il.

-Et une plus grande place des 55 ans et plus sur le marché du travail, est-ce une grosse pierre à retourner?

-Je crois que c'est une pierre importante à considérer.»

Prêts aux entreprises en difficulté: «Le ministre ne veut pas faire rire de lui»

Clément Gignac était encore à Ottawa quand le patron d'AbitibiBowater, John Weaver, a pris sa retraite avec 17,5 millions dans les poches... pendant que l'entreprise demandait à Québec de la sortir du gouffre avec un prêt de 100 millions. De l'autre côté de la rivière des Outaouais, il a appris une leçon.

«Il est évident que je veux resserrer les normes de gouvernance et d'éthique. Ce n'est pas vrai que le gouvernement québécois va lancer des bouées de sauvetage à des entreprises et que, par la suite, douze ou 24 mois après, on apprend qu'il y a des primes de séparation et des bonus qui sont versés, etc.»

Clément Gignac fait la distinction entre les entreprises qui reçoivent une aide de l'État pour investir au Québec et celles dont la survie dépend des fonds publics. Celles de la deuxième catégorie devront montrer patte blanche. «Le ministre du Développement économique ne veut pas faire rire de lui sur la place publique», dit-il.

Il veut s'assurer que «si je lance une bouée de sauvetage, qu'avant d'organiser un party, que peut-être on rembourse les contribuables québécois». Cette mesure s'appliquerait tant à l'aide versée par Investissement Québec que la Société générale de Financement, deux sociétés qui relèvent de lui.

Inspiré par les mesures mises en place par le président Obama quand il est allé à la rescousse des banques américaines, il veut s'assurer «un droit de regard» avant «que la haute direction se verse des bonus, ou verse des dividendes aux actionnaires ou des primes de séparation».