L'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (UE) devra être ratifié par tous les États membres, a annoncé la Commission européenne, soulevant ainsi certaines inquiétudes sur l'avenir de l'entente.

Mardi, la Commission a fait savoir dans un communiqué qu'elle avait officiellement proposé au Conseil de l'UE la signature et la conclusion de cette entente commerciale majeure en tant qu'accord «mixte». Ce qui signifie que chaque Parlement national devra l'approuver, et non pas seulement les autorités européennes.

La décision a été prise pour des raisons politiques, en raison de l'opposition de certains des 28 États membres de l'UE à l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'UE. Car la Commission se dit toujours d'avis que d'un point de vue juridique, la signature de cette entente relève de sa seule autorité.

Parmi les pays qui ont déjà exprimé des réticences à signer l'accord ou qui s'y opposent carrément, on retrouve la Bulgarie et la Roumanie, qui protestent contre le fait que le Canada continue d'imposer des visas à leurs citoyens.

Dans son communiqué de presse, la Commission dit que son geste de mardi représente ses efforts pour que l'accord soit signé au cours du prochain sommet Canada-UE en octobre 2016.

«L'accord entre l'UE et le Canada est notre meilleur accord commercial et c'est aussi le plus progressif: je souhaite qu'il entre en vigueur dès que possible, a soutenu Jean-Claude Juncker, le président de la Commission. Maintenant, il est temps d'agir; la crédibilité de la politique commerciale de l'Europe est en jeu.»

Mais même sans la ratification des États membres, une bonne partie de l'accord va s'appliquer à titre provisoire, dès que le Parlement européen aura voté en ce sens. Dès le premier jour, l'accord éliminera la quasi-totalité des droits de douane, indique la Commission.

Son entrée en vigueur pleine et entière sera alors subordonnée à l'approbation de tous les États membres, conformément à leurs procédures nationales de ratification.

«Alors maintenant, nous demandons à tous les États membres qui ont demandé d'avoir cet accord, qui l'ont tous accueilli favorablement, de montrer du leadership et de le défendre vis-à-vis leur Parlement et leurs citoyens», a déclaré Cecilia Malmström, commissaire européenne au commerce, lors d'un point de presse, mardi.

Quant à la question des visas, il s'agit d'un sujet différent, a-t-elle rétorqué lorsqu'elle a été interrogée à ce sujet.

Il y a des discussions entre le Canada, les pays concernés et l'UE, a-t-elle ajouté, admettant ne pouvoir préciser où en sont les négociations actuellement.

Pas d'impact majeur

Même si les États membres de l'UE ne ratifient pas tous l'accord, cette opposition n'aura pas d'impact majeur.

Selon Nanette Neuwahl, professeure titulaire à l'Université de Montréal spécialisée en droit de l'Union européenne et en relations extérieures économiques de la Communauté européenne, dont les accords mixtes, la totalité de l'accord commercial serait en vigueur immédiatement, vu la demande d'application provisoire.

«Pour le Canada, ça ne fait aucune différence s'il y a un État membre qui manque, à condition qu'il y ait la mise en oeuvre provisoire», explique-t-elle.

Et la Commission l'a déjà requis, précise la professeure, en soulignant que les États membres ne peuvent s'opposer à cette procédure. «Ça ne peut pas bloquer», assure-t-elle.

Il n'y a pas non plus de date limite pour la ratification par les 28 pays. «En principe, ça pourrait durer pour l'éternité, l'application provisoire», affirme la professeure.

L'Union européenne pense avoir une compétence exclusive sur la signature des accords commerciaux, mais il s'agit d'une position controversée, souligne-t-elle.

Lors d'un événement à Montréal sur un autre sujet, mardi, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que la nouvelle n'était «pas nécessairement mauvaise».

«C'est une étape à laquelle on s'attendait. Je suis encore très optimiste par rapport à cet accord-là et comment on va pouvoir le ratifier bientôt», a-t-il affirmé.

L'ambassadrice de l'UE au Canada, Marie-Anne Coninsx, a déclaré à La Presse canadienne que la décision de la Commission n'allait pas nuire à l'échéancier de mise en oeuvre de l'entente commerciale, qui devrait entrer en vigueur l'an prochain.

Même réaction du côté de la ministre canadienne du Commerce, Chrystia Freeland, qui a rencontré son homologue européenne, Cecilia Malmström, lundi. Mme Freeland s'est dite persuadée que l'accord obtiendra l'appui de la majorité du Parlement de l'UE.

«L'AECG poursuit sa progression en tant qu'accord mixte - ce qui signifie que les Européens à l'échelle nationale auront une voix démocratique au sujet de cet accord, tout comme l'AECG fera l'objet d'un débat au Parlement canadien», a-t-elle exprimé par déclaration écrite, ajoutant que l'accord est à son avis «sur la bonne voie».

Par ailleurs, en raison de l'incertitude en Europe depuis le référendum au Royaume-Uni et le fait que la population de cet important partenaire commercial ait signifié son intention de quitter l'UE, le Conseil des Canadiens demande au gouvernement canadien de prendre du recul et d'analyser les réels bénéfices pour le pays.

«En ayant travaillé avec les organisations de la société civile en Europe, il est clair qu'il y a de plus en plus de résistance à l'accord et que cela ne sera pas du gâteau comme l'a laissé entendre la ministre du Commerce international Chrystia Freeland», a déclaré dans un communiqué Maude Barlow, présidente nationale de l'organisation.

Comme beaucoup de Canadiens, les Européens s'inquiètent des effets de l'accord sur la démocratie, la fragilisation des standards sociaux et de sécurité, de possibles privatisations et le maintien des services publics, ajoute l'organisation.