Le pays se relève péniblement de sa sixième récession depuis 1997. La consommation des ménages est en panne. Et la déflation menace de revenir dans le paysage après un dur combat de 10 ans pour l'éloigner...

Avec autant de problèmes devant lui, le premier ministre du Japon, Shinzo Abe, a décidé de prendre les grands moyens: il joue au golf. Le plus souvent possible.

Irresponsable, le leader japonais? Au contraire, disent des analystes, c'est pour le bien de ses concitoyens que M. Abe a inclus à son horaire, au début 2015, plusieurs rondes sur les verts en compagnie des chefs d'entreprises du pays. Il a même joué au très chic Three Hundred Club, près de Tokyo, rapportent des médias japonais.

Le but de ces sorties dans les «espaces verts» de la capitale: convaincre les patrons de l'industrie nipponne de hausser les salaires.

Shinzo Abe en est rendu là: la faiblesse persistante de l'économie japonaise l'oblige à enfiler ses bermudas. Son pari est risqué, vu l'humeur de la population en ces temps de morosité économique. Mais ça pourrait bien fonctionner.

Pouvoir d'achat en baisse

De meilleurs salaires sont en effet essentiels pour améliorer le pouvoir d'achat des Japonais et, du coup, déclencher une reprise durable de la troisième économie mondiale qui montre - enfin - des signes vitaux encourageants.

Jeudi, on apprenait que les exportations du Japon ont bondi en janvier de 17% (à 65 milliards CAN), dopées par l'affaiblissement du yen, qui renforce la compétitivité à l'étranger des firmes nippones.

La baisse de la devise japonaise (-32% par rapport au billet vert américain en trois ans) est une conséquence indirecte de la stratégie des «abenomics». Lancée à la fin 2012 par M. Abe, cette politique comportant trois volets économiques et financiers semble enfin porter ses fruits, du moins sur le front du commerce extérieur.

«Cela a pris presque deux ans, beaucoup plus que ce que nous avions imaginé», reconnaît la firme JPMorgan Chase dans une analyse. Automobiles et semi-conducteurs ont surtout tiré les ventes à l'étranger, en janvier, avec des hausses de 17% aux États-Unis et de 23% en Asie (en valeur).

Cette cinquième hausse consécutive des exportations est une bonne nouvelle pour les Japonais, qui ont été frappés de plein fouet par un relèvement de la taxe sur la consommation, passée de 5 à 8% en avril 2014.

Aussi, le Japon a connu l'an passé sa sixième récession depuis 1997. Et si le produit intérieur brut (PIB) a faiblement progressé (+0,6%) au quatrième trimestre 2014, le Japon et sa population vieillissante portent toujours une lourde dette publique équivalant à plus de deux fois (226%) la taille de l'économie.

Or, le problème le plus urgent, c'est que les Japonais ont mis la hache dans leurs dépenses, conséquence des taxes élevées, mais aussi de la stagnation de leur pouvoir d'achat.

Une seule donnée résume bien la situation: en novembre, la rémunération «réelle» des Japonais (ajustée à l'inflation) a baissé de 4,3% - un 17e recul mensuel consécutif. Pas surprenant dans ce contexte que les dépenses des ménages aient baissé de 3,4% l'an dernier...

D'où l'empressement de Shinzo Abe de fouler les verts et d'implorer «Japan inc.» d'être plus généreux.

Un printemps chaud

Avec une stratégie aussi peu orthodoxe pour améliorer les conditions des travailleurs, le «Tiger Woods japonais» peut au moins inscrire un nom prestigieux à sa carte de pointage: Toyota.

Le premier constructeur automobile mondial vient d'annoncer un changement radical dans sa politique de rémunération, qui sera indexée en fonction de la performance des employés.

La règle de l'ancienneté, sacrée au Japon, passe donc au second plan, ce qui se traduira par des hausses salariales pour les travailleurs les plus performants. Selon le journal Nikkei, 40 000 personnes, soit 60% des effectifs japonais de l'entreprise, seraient concernées.

Le projet de Toyota intervient à l'approche du traditionnel «shunto», les négociations salariales du printemps. Selon les experts, les grandes entreprises pourraient hausser les salaires de 2% environ, ce qui devrait stimuler la consommation et renforcer le maillon faible de l'économie.

Selon Nomura Securities, les investisseurs nourrissent d'ailleurs de grands espoirs dans ces négociations et dans la stratégie de Shinzo Abe.

L'indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a renoué jeudi avec un sommet (à 18 265 points) depuis mai 2000, poursuivant sa poussée spectaculaire depuis la fin 2012 sous l'impulsion des «abenomics». Donc, les attentes sont élevées et M. Abe devra jouer... au moins la normale.