La zone euro, dont l'économie est déjà en panne, se rapproche dangereusement de la déflation avec la chute des prix du pétrole, ce qui devrait finir de convaincre la Banque centrale européenne (BCE) de sortir son «bazooka» et de procéder à des rachats massifs d'actifs, estiment les analystes.

«Compte tenu de l'effondrement des prix du pétrole, il est presque certain que le taux d'inflation en zone euro va passer d'ici peu au-dessous de zéro, et pour quelques mois au moins», estime Bruno Cavalier, de la maison de courtage Oddo.

Un scénario qui a déjà eu lieu entre juin et octobre 2009, en pleine crise financière. Cinq ans plus tard, un nouveau plongeon en déflation pourrait n'être plus qu'une affaire de semaines et se concrétiser dès la publication attendue début 2015 des données pour le mois de décembre.

Mercredi, les chiffres publiés par Eurostat ont acté un nouveau ralentissement de l'inflation en novembre, à 0,3% sur un an après 0,4% le mois précédent. Principale cause de cet accès de faiblesse: la forte baisse des prix de l'énergie (-2,6% en novembre), après un repli de déjà 2% en octobre.

Au sein de la région, la déflation touche déjà plusieurs pays, dont la Grèce (-1,2%) et l'Espagne (-0,5%). L'inflation est également nulle à Chypre, en Estonie et en Slovaquie, et quasi nulle en Belgique, au Portugal et en Slovénie (+0,1%).

Le phénomène devrait encore s'amplifier et toucher toute la région, avec la chute des prix du pétrole qui ont cédé près de 50% depuis mi-juin à cause de la faiblesse de la demande mondiale et de l'offre excessive sur le marché, alimentée par les pétromonarchies du Golfe qui veulent garder le robinet ouvert.

Pour Johannes Garreis de Natixis, les prix devraient reculer de 0,1% en décembre dans la zone euro, et encore plus dans le courant de l'année prochaine. Soit une entrée en déflation.

Dernière cartouche

Si ce scénario hante la zone euro, c'est parce que la déflation peut gripper la machine économique et créer un cercle vicieux dont il est difficile de sortir, comme l'illustre la situation du Japon, confronté depuis vingt ans à ce phénomène.

Concrètement, les consommateurs suspendent certains achats dans l'espoir de nouvelles baisses des prix, les entreprises diminuent leur production pour s'ajuster à la demande, entraînant une baisse des salaires qui, à son tour, fait baisser la demande et les prix, empêchant l'économie de repartir.

Dans ce contexte, «il est peu probable que la BCE reste les bras croisés, elle devrait au contraire intensifier ses mesures au premier trimestre» et risque d'agir lors de sa réunion prévue le 22 janvier, poursuit l'analyste de Natixis.

L'objectif de la BCE est de maintenir le niveau de l'inflation juste en dessous de 2%. Face à l'atonie de l'économie, l'institution monétaire a déjà déployé depuis l'été un vaste arsenal de mesures: elle a notamment lancé deux programmes de prêts géants bon marché aux banques, avec un succès mitigé.

Elle pourrait désormais passer à la vitesse supérieure en lançant un programme d'achat d'actifs à très grande échelle (assouplissement quantitatif ou «QE»), y compris de dette publique, sur le modèle de la Fed américaine.

Son président, Mario Draghi, s'est récemment inquiété de l'évolution des cours de l'or noir. Des propos qui avaient alimenté les spéculations concernant le lancement prochain du «QE», vu comme la dernière cartouche dans une zone euro en souffrance.

Mercredi, un dirigeant de la BCE a toutefois estimé que la baisse du prix du pétrole était «une bonne nouvelle» pour la zone euro, qui pouvait soutenir la demande.

«Un coût de l'énergie plus faible soutiendra le pouvoir d'achat des ménages et donc la croissance en 2015. Cet effet-là est avéré», a affirmé Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE.