Paralysée par la crise financière, Chypre a cherché jeudi, sous la pression d'un ultimatum européen, à éviter coûte que coûte la ruine et la faillite de ses banques, grâce à un plan B protégeant les petits épargnants, mais qui reste encore suspendu à l'aval des Européens.

À l'issue d'une nouvelle réunion téléphonique de ses ministres des Finances, la zone euro s'est dite prête à discuter d'une nouvelle proposition de Nicosie.

«L'Eurogroupe se tient prêt à discuter avec les autorités chypriotes d'une nouvelle proposition qu'elles doivent lui soumettre le plus rapidement possible», indique le président de ce forum, Jeroen Dijsselbloem, dans un communiqué publié à l'issue d'une conférence téléphonique des ministres des Finances de la zone euro.

Une nouvelle réunion, physique celle-là, à Bruxelles, devrait se tenir dimanche, a-t-on appris de source européenne.

La zone euro est toujours disposée à venir en aide à Chypre, au bord de la faillite, «à condition que les paramètres définis au préalable soient respectés», affirme M. Dijsselbloem.

Les bailleurs de fonds potentiels de Nicosie -- UE et FMI -- refusent notamment de lui prêter plus de 10 milliards d'euros car ils tiennent à ce que sa dette n'aille pas au-delà de 100% du PIB en 2020.

Ils souhaitent en outre que le pays mette en place une taxe sur les dépôts bancaires qui s'appliquerait uniquement aux dépôts au-dessus de 100 000 euros.

«L'Eurogroupe réaffirme l'importance de garantir totalement les dépôts bancaires en deçà de 100 000 euros» dans l'Union européenne, poursuit le communiqué.

La Banque centrale chypriote a proposé jeudi soir en urgence de procéder à une restructuration du secteur bancaire, menacé de banqueroute. «Cette procédure de consolidation va parer au risque de faillite de banque et protéger dans leur intégralité tous les dépôts assurés jusqu'à un montant de 100 000 euros», a assuré son gouverneur, Panicos Demetriades.

La protection des dépôts bancaires en dessous du seuil de 100 000 euros a été ardemment défendue par les grands argentiers de la zone euro après le tollé provoqué par un premier projet prévoyant une taxe sur tous les dépôts, qu'ils avaient pourtant soutenu pendant le week-end.

Le président chypriote Nicos Anastasiades a réuni en fin d'après-midi ses ministres et les chefs des partis politiques au palais présidentiel à Nicosie pour adopter un plan B, après le rejet mardi par le Parlement chypriote du projet de taxe sur les dépôts qui devait rapporter 5,8 milliards d'euros.

Le nouveau plan prévoit l'instauration d'un fonds de solidarité, aux contours encore très flous.

Le Parlement chypriote a reporté à vendredi le vote sur le nouveau plan. Les députés ont dit avoir besoin de plus de temps pour examiner cette législation, un point clé du plan B que les autorités chypriotes ont jusqu'à lundi pour présenter à l'Eurogroupe.

Or, le temps presse. Bank of Cyprus, la première banque du pays, a exhorté jeudi les responsables politiques à parvenir d'urgence à un accord avec l'Eurogroupe pour éviter la ruine de l'île.

Dans l'attente d'une solution, l'ensemble des banques du pays sont fermées et tous les virements par internet sont impossibles depuis le 16 mars.

La Popular Bank (Laiki en grec), deuxième banque de Chypre et l'une des plus menacées de faillite imminente, a annoncé une limitation à 260 euros par jour des retraits aux guichets automatiques, où les files d'attente se sont allongées jeudi.

Plusieurs clients ont expliqué craindre de tout perdre aussi en cas de faillite de la banque ou de fusion avec la Bank of Cyprus.

L'Union européenne n'exclut pas cette solution et cherche aussi à convaincre les dirigeants chypriotes d'instaurer un blocage des capitaux placés dans les banques de l'île pour éviter leur faillite, a confié jeudi à l'AFP une source européenne.

«Les autorités chypriotes ont trois choses à faire d'ici mardi: présenter un plan B crédible et viable pour remplacer le plan de sauvetage rejeté par le Parlement, instaurer un blocage sur une longue période des capitaux placés dans les banques, et préparer la fusion entre les deux principales banques en difficulté», a expliqué cette source sous couvert de l'anonymat.

Faute de quoi, Chypre risque de sortir de la zone euro, a-t-elle prévenu.

La crise à Chypre pose un «risque systémique» pour la zone euro, a surenchéri M. Dijsselbloem devant le Parlement européen. «Nous devons travailler à un programme qui mettra fin à ce risque».

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, s'est montré sceptique sur la qualité du Plan B que prépare Chypre, selon le quotidien Bild, qui cite vendredi des propos du ministre rapportés par des membres de la coalition d'Angela Merkel.

«La cosmétique seule ne suffit pas», a déclaré M. Schäuble, selon les confidences, citées par Bild, de participants à une réunion des partis de la coalition d'Angela Merkel qui se tenait à Berlin jeudi soir.

Jeudi matin, la Banque centrale européenne (BCE) a lancé le compte à rebours en annonçant qu'elle couperait lundi le robinet des liquidités aux banques chypriotes, à moins d'un accord acceptable entre Nicosie et ses bailleurs de fonds.

De son côté, l'agence Standard and Poor's a dégradé la dette chypriote d'un cran, à CCC, en estimant que «les risques d'un défaut sur la dette sont en train d'augmenter».

L'annonce samedi matin à Bruxelles d'un plan de sauvetage comprenant une taxe sur les dépôts bancaires avait provoqué un tollé dans l'île mais aussi à l'étranger, en particulier en Russie, d'où provient une grande partie des fonds déposés dans les banques de l'île méditerranéenne.

Nicosie s'est d'ailleurs tournée vers Moscou, partenaire économique de premier plan, pour demander de l'aide. Le ministre chypriote des Finances, Michalis Sarris, est en Russie depuis mardi pour essayer d'obtenir une extension du crédit de 2,5 milliards d'euros accordé à Nicosie en 2011 et qui arrive à terme en 2016.

La crise chypriote a provoqué une forte tension entre la Russie et l'Union européenne, les Russes ayant protesté contre les projets de taxer les dépôts des sociétés et ressortissants russes à Chypre qui dépasseraient, selon plusieurs estimations, les 20 milliards d'euros.

Le premier ministre russe Dmitri Medvedev a tempêté jeudi contre la solution «absurde» envisagée par les Européens.