La crise de la dette met à rude épreuve la cohésion de l'Europe, avec non seulement des divisions croissantes entre pays latins et nordiques sur la marche à suivre mais aussi un vif mécontentement des pays de l'UE non membres de l'Union monétaire, tenus pour quantité négligeable.

Nerfs à fleur de peau et phrases assassines en bouche, les dirigeants de l'Union européenne sont au bord de la rupture et le double sommet convoqué à Bruxelles pour tenter de sauver l'euro s'annonce mouvementé, selon plusieurs diplomates.

Deux clans s'affrontent: les «Latins» qui affichent les dettes les plus élevées et les «Nordiques», riches et peu enclins à payer.

Le premier réunit les Italiens et les Espagnols, rangés derrière la France. Le second unit les Pays-Bas et la Finlande, ralliés à la cause de l'Allemagne.

Les autres États sont peu ou prou exclus. À commencer par ceux non encore membres de la zone euro. La Pologne, qui préside les réunions ministérielle de l'UE, vit très mal cette situation. Agacés, ses partenaires lui ont signifié que ne pas être membre de la zone euro disqualifiait Varsovie pour les réunions sur la monnaie.

Olli Rehn, commissaire finlandais en charge des Affaires économiques, s'est inquiété de ces divergences entre «le Nord, où il y a une certaine fatigue à vouloir aider, et le Sud, où il y a une certaine fatigue à poursuivre les réformes nécessaires».

Les deux temps du double sommet de Bruxelles, dimanche et mercredi, doivent permettre de régler les modalité de l'aide financière à la Grèce, au bord de la banqueroute, de finaliser les modalités d'action du «Fonds monétaire européen», et de renforcer les banques de l'UE, dont les actifs sont plombés par les titres de dettes souveraine émis par la Grèce, l'Italie et l'Espagne.

«Tout le monde est d'accord sur les actions à mener, le problème est comment le faire et là, plus personne n'est d'accord», a résumé un négociateur sous couvert de l'anonymat.

La situation d'impasse a fait craquer vendredi le premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker: «L'impact à l'extérieur est désastreux» pour l'Europe.

«Nous ne donnons pas vraiment l'exemple éclatant d'un leadership qui fonctionne bien», a-t-il déploré.

L'analyse est partagée par nombre de négociateurs. Depuis le début de la crise, «la tragédie, c'est que nous arrivons toujours trop tard avec des solutions qui se révèlent inefficaces une fois adoptées», a confié l'un d'eux.

La multiplication des réunions sans lendemain est également critiquée. «J'aurais préféré que nous n'ayons pas eu besoin de deux rendez-vous, dimanche et mercredi, et que nous ayons pu nous mettre d'accord sur une solution globale dimanche», a confessé Jean-Claude Juncker.

Le camp des «Latins» ne décolère pas contre la chancelière allemande Angela Merkel, accusée de «dicter le tempo et d'imposer de mauvaises recettes», selon les mots d'un diplomate.

«Que veulent-ils ? Encore plus de sang», a grincé un de leurs représentants dans une allusion au manifestant mort jeudi après de violentes manifestations à Athènes.

Les pays du Nord dénoncent, eux, «l'autisme» des «Latins» qui refusent les mesures d'austérité imposées par leur mauvaise gestion.

L'Italie est dans leur ligne de mire. «Nous attendons de l'Italie l'annonce de mesures supplémentaires», a lâché, sans plus de précisions, le ministre néerlandais des Finances Jan Kees De Jager.

Silvio Berlusconi est conscient des attentes et veut se présenter à Bruxelles avec «quelque chose à mettre sur la table» pour rassurer ses homologues, a annoncé l'agence Ansa.

«Nous sommes condamnés au succès», répète inlassablement le président de l'Union européenne, le Belge Herman van Rompuy.

«C'est certain, nous arriverons à des solutions dimanche. Mais il faudra qu'elles soient significatives et crédibles pour éviter que les marchés nous massacrent lundi», a commenté un haut responsable européen, très pessimiste sur l'issue de ce «sommet en deux phases».