Dévaluation draconienne de la monnaie, réserves d'or et de devises à sec, mises au chômage technique par centaines de milliers: l'ex-république soviétique de la Biélorussie est au bord de la faillite. À l'origine de la crise: une promesse électoraliste du président autoritaire Aleksander Loukachenko et une économie jamais réformée depuis la chute de l'URSS.

Tout a commencé quelques semaines avant l'élection présidentielle du 19 décembre dernier. Du jour au lendemain, les fonctionnaires de l'État ont vu leur salaire mensuel moyen passer de 330$ à 500$. Gracieuseté du président Aleksander Loukachenko, qui briguait son quatrième mandat après déjà 16 ans au pouvoir.

Or cette hausse n'avait «aucun fondement économique», estime le journaliste économique Iégor Martinovitch. Il s'agissait d'une simple mesure électoraliste, qui aura finalement permis au «dernier dictateur d'Europe» - dixit le département d'État américain - de s'assurer une victoire écrasante avec officiellement près de 80% des voix.

La suite des événements a été catastrophique. «Les Biélorusses ont profité de cet argent supplémentaire pour faire des provisions de devises (liquides) en prévision de jours plus difficiles», poursuit M. Martinovitch. D'autres ont préféré dépenser leurs dollars et euros dans une nouvelle voiture étrangère avant le 1er juillet, date à laquelle les taxes à leur importation augmenteront considérablement.

Résultat: les dépenses étatiques ont bondi, alors que les réserves de devises et d'or ont fondu comme neige au soleil. Le mois dernier seulement, elles ont reculé de 1,2 milliard de dollars. Il reste aujourd'hui moins de 2,5 milliards dans les coffres, soit assez en théorie pour tenir un peu plus de deux mois.

Avec une balance commerciale négative de près de 10 milliards$ par année et une dette extérieure dépassant les 50% du PIB du pays au 1er janvier, l'horizon est peu prometteur.

Dévaluation du rouble

Pour stabiliser la situation, la Banque nationale biélorusse a entrepris diverses mesures. Elle a notamment procédé à plusieurs dévaluations partielles du rouble au cours des dernières semaines - environ 30% au total - en plus d'instaurer temporairement différents taux de change. En fait, il y en a aujourd'hui quatre: celui officiel, un autre pour les transactions interbancaires, un troisième que fixent librement les bureaux de change et un dernier sur le marché noir, qui a refait surface en raison de la crise. Les trois derniers taux sont généralement de 30% à 60% plus élevés que l'officiel.

Devant les bureaux de change, les Biélorusses font la queue jour et nuit, espérant que quelqu'un vienne y échanger des devises pour rapidement mettre la main dessus, raconte M. Martinovitch.

Dans les magasins, les prix augmentent pratiquement chaque jour, alors que certains produits d'importation ont commencé à disparaître et d'autres atteignent des sommets, comme le kilo de framboises à 120$.

Sans devise pour se procurer le matériel nécessaire à leur production, plusieurs entreprises ont dû fermer temporairement leurs portes. Officiellement, 600 000 travailleurs ont été mis au chômage technique.

La seule chance du régime Loukachenko de sauver son économie semble désormais d'obtenir un prêt de l'étranger. Or mercredi, après deux mois de négociations, le ministre des Finances russe Alekseï Koudrine a fermé la porte à l'octroi d'un milliard de dollars d'aide d'urgence. Il a toutefois laissé entendre que son pays pourrait contribuer à un prêt de 2 milliards en partenariat avec la Communauté économique eurasiatique (Eurasec).

Le Fonds monétaire international est aussi à exclure pour l'instant comme prêteur potentiel. Tant que la Biélorussie, dont l'économie est toujours contrôlée à 80% par l'État, ne se lancera pas dans de vastes réformes libérales, il a peu de chance d'obtenir pour l'énième fois l'aide de l'organisation.

La Russie aussi souhaite des réformes en Biélorussie et surtout, des privatisations. Iégor Martinovitch croit qu'elles sont désormais inévitables. Ce qu'il craint toutefois, c'est que le grand frère russe soit le seul à en profiter. L'Union européenne ayant imposé des sanctions économiques contre le régime biélorusse en raison de ses nombreux prisonniers politiques, les privatisations pourraient signifier la «prise de contrôle des sociétés d'État par les oligarques russes» et donc sur une bonne partie de l'économie biélorusse.