Le «Tigre celtique» se serre la ceinture. Depuis deux longues années, les Irlandais sont soumis à une potion amère de coupes budgétaires et de hausses d'impôts afin d'éviter la faillite nationale. Une erreur, selon certains économistes, qui jugent cette politique d'austérité néfaste pour la croissance et l'emploi.

Alors que les plans d'austérité suscitent des manifestations dans d'autres pays d'Europe, les Irlandais, eux, ne protestent pas ou très peu. Beaucoup pensent que la réduction de la dette publique est nécessaire au rebond d'une économie qui s'est fortement dégradée.

Le taux de chômage a triplé en deux ans pour atteindre 13,4%, son plus haut niveau depuis 16 ans. En 2009, le déficit budgétaire, à 14,3% du produit intérieur brut, était le plus élevé de la zone euro, supérieur même à celui de la Grèce, frappée par une grave crise de la dette. La dette publique irlandaise s'est envolée, passant de 25% du PIB fin 2007 à 65% fin 2009.

Les Irlandais ont vu leur pouvoir d'achat grignoté par les hausses d'impôts et la réduction des prestations sociales. Une nouvelle taxe ponctionne 4% à 8% des salaires supérieurs au revenu minimum. Les 350 000 fonctionnaires ont été encore plus durement touchés avec notamment des baisses de salaires de 5% à 15%.

Le premier ministre Brian Cowen promet trois nouveaux budgets de rigueur jusqu'en 2013, qui devraient inclure de nouvelles taxes sur les biens immobiliers et l'eau. Malgré tout, trois sondages enregistrent une hausse de la confiance des consommateurs.

Le pays a renoué avec une modeste croissance de 2,7% en rythme annuel au premier trimestre après une contraction record de l'économie de 7,6% en 2009. Certains économistes jugent toutefois que la politique de rigueur irlandaise est une erreur.

Ils expliquent que la réduction des dépenses publiques en période de crise aggrave le ralentissement économique et augmente le chômage. Le prix Nobel d'économie américain Paul Krugman a récemment affirmé que la cure d'austérité mise en oeuvre par Dublin n'avait pas rassuré les marchés contrairement à une idée répandue. «La réalité est que rien de pareil n'a eu lieu, a-t-il écrit. L'Irlande vertueuse et qui souffre n'obtient rien.»

Constantin Gurdgiev, maître de conférences au Trinity College de Dublin, rétorque que ce point de vue ignore un élément important. «La petite Irlande est l'une des économies les plus ouvertes du monde, mais elle n'a pas le pouvoir d'imposer sa volonté aux marchés obligataires ou d'imprimer de l'argent, dit-il. L'Amérique peut se sortir des problèmes en dépensant. Pas nous, nous devons réduire (les dépenses) et rassurer nos créanciers.»

Pays tourné vers l'exportation, l'Irlande a attiré en 20 ans quelque 600 entreprises américaines, en raison de liens historiques et culturels avec les États-Unis et de son faible taux d'imposition sur les sociétés (12,5%).

La Chambre de commerce américaine en Irlande représente des entreprises qui emploient 100 000 personnes dans le pays et génèrent près de 20% du PIB national. De grandes sociétés comme IBM, Hertz, eBay et PayPal ont récemment développé leurs opérations irlandaises.

Reste qu'après 15 ans de brillante réussite économique, l'Irlande est devenue en 2008 la première économie de la zone euro à entrer en récession. Plus de 3000 entreprises ont fait faillite depuis deux ans, dont 240 dans le secteur du bâtiment rien que sur les cinq premiers mois de 2010.