Les marchés financiers espéraient un plan de sauvetage assorti de mesures concrètes ; ils devront se contenter d'un message de confiance politique : les 27 réunis hier en sommet à Bruxelles sur la question de la crise budgétaire grecque n'ont fait qu'apporter leur « plein soutien aux efforts du gouvernement grec et à son engagement à prendre toutes les mesures nécessaires » pour réduire de quatre points son déficit cette année.

Dans leur déclaration finale, les dirigeants de l'Union européenne (UE) précisent que tout sera fait pour s'assurer que les « objectifs ambitieux » de la Grèce, inscrits dans le programme de stabilité pour 2010 et les années suivantes, seront respectés.

Les 16 États membres de la zone euro « prendront, si nécessaire, des mesures résolues et coordonnées pour assurer la stabilité dans l'ensemble de la zone », concluent-ils, en faisant observer que « le gouvernement grec n'a demandé aucun soutien financier ».

Reste que, faute de garanties financières, la déception dominait hier sur les marchés. Les investisseurs ne voyaient rien dans cette déclaration de solidarité de l'UE qui puisse les rassurer sur la capacité de la Grèce à faire face à ses prochaines échéances, d'autant moins qu'Athènes devra emprunter cette année 54 milliards d'euros pour couvrir son déficit budgétaire.

En première ligne dans cette démarche européenne, la France et l'Allemagne - qui détiennent ensemble plus du tiers de la dette extérieure grecque - sont « main dans la main » dans le soutien qu'elles apportent à la Grèce, a affirmé le président français, Nicolas Sarkozy, en clôture de ce sommet impromptu.

« Nous avons affirmé notre soutien à la Grèce, à la crédibilité que nous accordions aux engagements du gouvernement grec », qui a promis de « faire davantage », a souligné M. Sarkozy au cours d'une conférence de presse donnée avec la chancelière allemande, Angela Merkel.

« Notre rôle n'est pas de favoriser la spéculation », a souligné le président français, qui a refusé d'entrer dans le détail des mesures envisagées pour faire cesser les mouvements financiers autour d'un défaut de paiement de la Grèce.

« C'est une affaire sérieuse que nous avons traitée sérieusement ensemble, chacun dans son rôle, la Banque centrale européenne, le président stable (Herman Van Rompuy), le président de la Commission (José Manuel Barroso) et l'ensemble des États », a-t-il martelé. Selon lui, un double engagement a été pris hier : « Soutien et solidarité côté européen, rigueur et transparence côté grec. »

Mme Merkel a pour sa part reconnu que la « déclaration politique » adoptée par les 27 visait à rassurer les marchés financiers sur le fait que « la Grèce a fait le plus important » en s'engageant à réduire, sous surveillance internationale, son déficit public. « La contribution de la France et de l'Allemagne est importante, elle a un poids important sur les marchés financiers », a insisté la chancelière, ajoutant que les engagements pris par Athènes « peuvent contribuer à rétablir la confiance ».

Présent dans toutes les discussions, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, a indiqué que son institution ferait preuve d'une « vigilance permanente » dans la surveillance des engagements pris par le gouvernement grec pour réduire sa dette publique. Il a ajouté que cet exercice de « monitoring » se ferait en collaboration avec la Commission.

Virage abrupt

La crise grecque a contraint les pays de la zone euro à combler les lacunes des origines de leur union monétaire en créant un mécanisme de solidarité financière entre eux et en remettant sur le métier l'idée d'un gouvernement économique. « Les règles qui gouvernent l'Union monétaire aujourd'hui sont les mêmes que celles qui ont été négociées en 1990. Donc, après 20 ans, il faut changer un peu l'approche de tout cela », estime Antonio Missiroli, analyste de l'European Policy Center de Bruxelles.

Et le changement est spectaculaire. Lorsque le lancement de l'euro fut négocié, les Allemands et d'autres pays très attachés à la discipline budgétaire avaient refusé d'autoriser dans les traités des mécanismes d'entraide financière entre pays.

Berlin refusait à l'époque de devoir payer les fins de mois difficiles des États du sud de l'Europe, considérés comme trop laxistes et qualifiés avec mépris de « pays du Club Med ». L'euro a été donc lancé en 1999 avec une règle d'airain : chacun est seul responsable de ses comptes.

Un paradoxe puisqu'un pays membre de l'Union européenne qui ne fait pas partie de la zone euro peut bénéficier de prêts européens en cas de difficultés financières - ce fut le cas de la Hongrie ou de la Lettonie récemment -, mais pas un État qui utilise la monnaie unique.

La crise budgétaire de la Grèce et les attaques spéculatives des marchés contre la zone euro ont changé la donne. Conscient des dangers de contagion, Berlin est désormais à la manoeuvre pour sauver Athènes de la faillite. « L'attaque contre la Grèce est une attaque politique contre la zone euro, c'est clair. C'est une façon de chercher à tester sa capacité de se défendre », estime M. Missiroli.

Au moment de la conception de l'euro, nombre d'experts s'étaient étonnés qu'on prenne le risque de lancer une monnaie commune à plusieurs pays sans s'assurer qu'ils mènent la même politique. Seul le Pacte de stabilité européen fut mis en place pour surveiller les déficits.

Les dates importantes

La révélation de déficits grecs plus important que prévu fin 2009 a plongé le pays dans une crise sans précédent, qui a ébranlé la zone euro. Voici les principales dates:

4 octobre: le parti socialiste grec de Georges Papandréou remporte des législatives anticipées.

courant octobre: les chiffres des finances publiques sont fortement révisés, pour afficher désormais un déficit public à 12,7% du PIB et une dette record à 113,4% du PIB pour 2009.

7 décembre: l'agence de notation Standard and Poor's place sous surveillance, avec une perspective négative, la note de crédit à long terme de la Grèce.

8 décembre: l'agence française Fitch est la première à abaisser la note de dette à long terme de la Grèce, de A- à BBB+. La Bourse d'Athènes chute de 6%.

16 décembre: Standard & Poor's abaisse à son tour la note à long terme de la Grèce de A- à BBB+ en raison de la dégradation de sa situation financière.

17 décembre: des milliers des salariés grecs répondent à l'appel à la grève des syndicats proches du parti communiste et de la gauche radicale pour protester contre le plan d'austérité du gouvernement.

22 décembre: Moody's baisse la note des obligations grecques de A1 à A2.



24 décembre: le parlement grec adopte à une large majorité le budget de l'Etat pour 2010, marqué par une réduction du déficit public, de 12,7% du PIB en 2009 à 9,1% en 2010.

6-8 janvier 2010: des experts de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne (BCE) examinent à Athènes les finances publiques du pays.

13 janvier: Le FMI entame une mission en Grèce demandée par Athènes afin d'étudier l'éventualité d'une assistance technique pour aider le pays à redresser ses finances.

14 janvier: le gouvernement grec dévoile son programme d'austérité, qui vise un redressement budgétaire via une réduction des dépenses publiques à 47,7% du PIB en 2013, contre 52% en 2009.

15 janvier: le gouvernement grec dépose à la Commission européenne son programme d'austérité.

19 janvier: le ministre grec des Finances Georges Papaconstantinou explique à ses collègues européens l'ensemble des mesures envisagées pour réduire le déficit grec.

25 janvier: la Grèce réalise sa première émission obligataire de l'année, qui rencontre un beau succès, avec une demande cinq fois plus importante qu'attendu (25 milliards d'euros).



27 janvier: un article du Financial Times affirme qu'Athènes souhaite que la Chine lui achète des obligations pour une somme pouvant aller jusqu'à 25 milliards d'euros, ce que les autorités grecques démentent par la suite.

28 janvier 2010: les rendements des obligations de la Grèce se tendent à un niveau jamais vu depuis l'entrée du pays dans la zone euro, à 7,15%.

Le premier ministre grec Georges Papandréou dénonce à Davos (Suisse) «des attaques contre la zone euro. Certains pays sont utilisés comme un maillon faible (et) nous sommes visés».



3 février 2010: la Commission européenne approuve le plan d'économies budgétaires de la Grèce, tout en la plaçant sous surveillance et en ouvrant une procédure d'infraction du fait de ses statistiques de déficits peu fiables.

5 février: l'euro tombe à son plus bas niveau depuis plus de huit mois, à 1,3586 dollar, affecté par des attaques spéculatives, sur fond de craintes sur la solidité de la zone euro.



9 février: le gouvernement grec propose de retarder de deux ans l'âge moyen de départ à la retraite, à 63 ans.

10 février: une grève de 24 heures est organisée par les fonctionnaires grecs contre les mesures d'austérité du gouvernement socialiste.



11 février 2010: lors d'une réunion à Bruxelles, l'Union européenne s'est mise d'accord pour aider la Grèce et sur les instruments à utiliser pour aider financièrement le pays, en cas de besoin.

- Avec Associated Press