C'était jour de foire immobilière le 5 octobre dernier à Dubaï. De jolies hôtesses postées devant les stands futuristes accueillaient des hommes d'affaires vêtus de dishdashas blanches, ces robes typiques de la péninsule arabe.

Des maquettes de cités de gratte-ciels se disputaient la superficie du salon immobilier Cityscape. Le gratin des promoteurs des Émirats arabes unis (EAU) admirait son avenir doré.

 

Signe des temps, les stands des firmes d'Abou Dhabi étaient plus animés que ceux représentant Dubaï, l'émirat voisin.

«Nous allons mettre Abou Dhabi sur la carte», dit Sami Eid, un porte-parole d'Aldar. L'île Yas, sorte de paradis des loisirs où se tiendra un Grand Prix de Formule 1 en novembre, est un projet phare d'Aldar, une propriété d'un conglomérat gouvernemental. Depuis 2005, la firme a annoncé un chapelet de contrats d'une valeur de 75 milliards de dollars US, totalisant 50 millions de mètres carrés.

Et elle n'est qu'un des principaux développeurs d'Abou Dhabi, à la fois émirat et capitale des EAU.

Malgré les tours spectaculaires de Dubaï, Abou Dhabi détient 95% des réserves de pétrole et 92% du gaz des Émirats arabes unis. Ses résidents jouissent d'un PIB par habitant supérieur à 70 000$. Ses fonds souverains sont évalués à 328 milliards de dollars. Or, jusqu'à 2005, l'émirat semblait peu ambitieux en comparaison à l'ostentation de Dubaï.

Aujourd'hui, des centaines de grues s'élèvent dans le ciel d'Abou Dhabi, comme des équerres mesurant l'espace de ses conquêtes. Abou Dhabi investit à coup de milliards pour diversifier son économie.

Si ses rêves pharaoniques se réalisent, l'émirat deviendra une plaque tournante de la culture, du tourisme d'affaires, des industries pétrochimiques et des nouvelles technologies.

Une métamorphose radicale

L'île Saadiyat («île du bonheur») se chargera de son attrait culturel. Un nouveau Louvre et un musée Guggenheim, conçus par les architectes renommés Frank Gehry et Jean Nouvel, ouvriront leurs portes en 2013. Viendront s'ajouter un magnifique hall de spectacles, un club de golf, des tours d'appartements en copropriété, plusieurs hôtels de luxe et un musée national portant le nom du «père de la nation», Sheikh Zayed.

L'île Saadiyat sera une des destinations vacances les plus branchées, selon le Wall Street Journal.

Les touristes ne seront pas en reste. Le nombre de chambres d'hôtel dans l'émirat sera doublé à 26 000 dès 2012 pour accueillir 2,7 millions de visiteurs.

Aussi, pour répondre au manque criant de locaux commerciaux et de logements, de nouveaux quartiers ultramodernes à usage mixte élargiront la zone urbaine d'Abou Dhabi dès 2011. D'ici cinq ans, la ville sera méconnaissable. Une enveloppe de 200 milliards, dont 60% proviendra du secteur privé, sera allouée aux infrastructures pour soutenir cette métamorphose.

Ces projets s'imbriquent dans la «Vision 2030» de l'émirat, une feuille de route qui prépare l'après-pétrole. Le département du Développement et de l'Économie prévoit qu'en 2025, le secteur pétrolier ne constituera plus que 40% d'un PIB évalué à 300 milliards.

Paradoxalement, en plus de miser sur son industrie pétrochimique, Abou Dhabi entend devenir un chef de file mondial dans la conception de nouvelles technologies. Entre en scène Masdar, la première ville sans émissions carboniques, qui devrait accueillir 50 000 habitants en 2016. L'institut Masdar, déjà fonctionnel, recevra 1,2 milliard en 10 ans pour la promotion des énergies renouvelables.

Résultat de ces mises en chantier, l'émirat a recueilli des investissements directs étrangers d'une valeur de 5 milliards en 2007.

«La vitesse de son essor peut sembler casse-cou, mais Abou Dhabi prévoit un développement économique plus durable que Dubaï, explique Giyas Gokkent, économiste en chef de la Banque Nationale d'Abou Dhabi. Sa transformation sera radicale.»