La Banque centrale européenne va garder ses taux directeurs à leur plus bas niveau historique pour une longue période afin d'aider l'économie à reprendre le chemin de la reprise, a laissé entendre jeudi son président Jean-Claude Trichet.

Les gardiens de l'euro, réunis cette fois à Venise, ont décidé à l'unanimité de reconduire le statu quo monétaire. Depuis mai, le principal taux directeur -baromètre du crédit en zone euro- stationne à 1%.

Comme la Réserve fédérale, la BCE a laissé entendre qu'une modification des taux était loin d'être à l'ordre du jour. Leur niveau est «approprié», a déclaré le Français.

Aucun danger d'inflation, la bête noire de la BCE, ne menace. Et si les prix à la consommation, dont l'évolution sur un an est négative depuis quatre mois, vont recommencer à croître dans les mois à venir, leur hausse restera modérée.

L'économie de la zone euro de son côté se stabilise. «Nous sommes sortis de la période de chute libre», a-t-il noté.

Mais les incertitudes n'en restent pas moins «exceptionnellement élevées», a-t-il mis en garde, citant notamment les risques de nouvelle flambée des prix des matières premières et du pétrole ou encore l'intensification du protectionnisme.

Ce cocktail de déclarations, grosso modo identique à celui du mois dernier, renforce l'idée «qu'un resserrement futur de la politique monétaire n'aura pas lieu avant longtemps», juge Jonathan Loynes, économiste chez Capital Economics, résumant l'avis d'un grand nombre de ses confrères. La plupart attendent un relèvement des taux à partir de la mi-2010.

Les seize pays de la zone euro peuvent donc compter sur le soutien de la politique monétaire pour un certain temps. Mais ils ne doivent pas pour autant en oublier leur devoir en matière de réduction de leur endettement, qui a monté en flèche suite à la mise en place des plans de relance.

Le président de la BCE a laissé percé son inquiétude. «Le besoin de stratégies de sortie (de crise) et de consolidation ambitieuses et réalistes devient de plus en plus pressant», a-t-il jugé, même si elles ne pourront probablement pas être mises en oeuvre avant 2011.

La BCE se dit prête à «dénouer» l'ensemble des mesures exceptionnelles mises en place au moindre signe de surchauffe inflationniste. Sa stratégie consiste essentiellement à abreuver les banques de liquidités bon marché pour des montants illimités, afin de les encourager à prêter.

L'appréciation de l'euro face au dollar, qui s'échange à plus de 1,47 dollar, est l'autre grand souci du moment, car elle pourrait étouffer une reprise portée par l'activité industrielle et l'export.

L'engagement exprimé par les autorités américaines en faveur d'un dollar fort est à cet égard «extrêmement important dans les circonstances actuelles», a déclaré M. Trichet, faisant état d'une unité de vue de part et d'autre de l'Atlantique concernant les effets néfastes de tout mouvement désordonné des changes.

Les Etats-Unis sont soupçonnés en Europe de s'accommoder d'un billet vert faible propre à soutenir la relance de leur économie.

L'entente semblait régner aussi jeudi entre Mario Draghi, président de la Banque d'Italie et hôte du conseil, et M. Trichet. Le ministre des Affaires étrangères italien Franco Frattini a récemment lancé un débat sur la question de la succession du Français en 2011, en se disant «honoré» si M. Draghi lui succédait.

Interrogé sur son intérêt pour le poste, ce dernier a répliqué: «nous avons un président et il ne pourrait pas être meilleur».