La chose est rarissime au Québec: un courtier immobilier vient d'être radié à vie pour avoir fraudé et menti à plusieurs reprises, entraînant même la faillite d'une de ses clientes.

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Dans une décision cinglante, l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) a révoqué le droit de pratique de Gérald Youantz Siméon. L'ex-courtier de Laval est coupable d'avoir falsifié des documents, utilisé des prête-noms et volé de l'argent à une cliente, a conclu l'OACIQ.

À peine 14 courtiers ont perdu leur licence depuis huit ans au Québec, une sanction appliquée en tout dernier recours. Or, selon le syndic adjoint de l'OACIQ, M. Siméon ne présente «aucune perspective raisonnable de réhabilitation; l'intimé n'a aucune des qualités morales requises pour exercer la profession et la radiation permanente est le seul remède pour assurer la protection du public».

La carrière immobilière de Gérald Youantz Siméon fut brève et mouvementée. L'homme, diplômé universitaire en sciences économiques, a commencé à exercer le métier en 2004. Dès l'année suivante, il a lancé un stratagème pour acheter et vite revendre à profit des immeubles à l'aide de prête-noms, indiquent les documents de l'OACIQ.

Dans un cas, M. Siméon a proposé à une de ses connaissances - un concierge aux revenus modestes - d'agir comme prête-nom avec deux autres investisseurs pour acheter une propriété. Selon cet individu, Siméon et son partenaire Gérard Côté devaient s'occuper de faire la gestion de l'immeuble de Bois-des-Filion, tandis que les trois acheteurs empocheraient un profit à la revente.

Deux des investisseurs, bien au fait de la moralité douteuse de la transaction, se sont rencontrés pour la première fois dans le stationnement d'une caisse Desjardins quelques minutes à peine avant d'aller signer la demande de prêt. Siméon s'est fait passer pour le troisième acheteur et a même signé les documents bancaires à sa place.

«La preuve est prépondérante à l'effet que l'intimé a conseillé et encouragé la fabrication et l'utilisation de faux documents en rapport avec l'acquisition», indique l'OACIQ.

»Naïve»

L'organisme reproche aussi à Siméon une transaction réalisée en février 2007 à Chertsey. L'acheteuse, endettée, reluquait une propriété de 79 000$. À la suggestion des vendeurs, elle a pris contact avec Siméon pour échafauder une transaction qui ferait passer le prix de vente à 129 000$, lui laissant 50 000$ pour consolider ses dettes et effectuer certaines rénovations.

Selon les documents de l'OACIQ, l'acheteuse n'a pas touché les 50 000$, «car l'intimé lui explique que le montant ne pouvait lui être donné à son nom personnel». La somme a été déposée au nom d'une société et la femme n'a pu récupérer tout son argent. Le courtier lui devait encore 16 800$ plus les intérêts un an plus tard, ce qui a acculé l'acheteuse à la ruine.

«Elle dit lui avoir fait confiance du fait de son statut d'agent d'immeuble, indique l'OACIQ. Elle s'en veut d'avoir été aussi naïve. Non seulement n'a-t-elle pu récupérer la balance que lui devait M. Siméon, mais elle a également dû faire faillite et remettre la maison.»

Dans sa défense devant le comité de discipline de l'OACIQ, Gérald Youantz Siméon, qualifié d'«articulé» (éloquent) et vif d'esprit, a rejeté le gros du blâme sur son partenaire de l'époque, Gérard Côté. (Ce dernier a fait l'objet d'une requête demandant sa suspension provisoire en 2006 pour avoir demandé un prêt sur la foi de faux documents; la requête a été rejetée faute de preuves suffisantes.)

L'OACIQ n'a pas cru la version des faits de M. Siméon. L'ex-courtier de La Capitale Centre Coop (maintenant Via Capitale) a témoigné en 2009, mais ne s'est pas présenté à une autre audience en avril 2011, se disant victime d'étourdissements. Selon le syndic de l'OACIQ, les quatre fraudes reprochées à Siméon «sont l'équivalent d'une infraction criminelle».

En conséquence, l'OACIQ a imposé la suspension permanente du permis de l'intimé, un avis rendu public hier. Comme M. Siméon a cessé de pratiquer en 2007, cette décision l'empêche à jamais de faire une nouvelle demande de permis.