Les contribuables canadiens pourraient devoir éponger une facture de «plusieurs dizaines de milliards» à cause du rôle trop grand de la SCHL dans l'assurance hypothécaire, avertit l'institut torontois C.D. Howe.

La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), société de la Couronne, assure plus de 500 milliards de dollars de prêts consentis par les banques aux acheteurs de maisons. Cette activité est profitable tant que la vaste majorité des propriétaires paient leur hypothèque - comme c'est le cas aujourd'hui -, mais elle pourrait vite devenir déficitaire si le marché immobilier devait subir une dégelée comme aux États-Unis, selon une nouvelle étude.

«Dans le cas d'un repli majeur du marché, avec des baisses de prix dans les grandes villes comme Montréal, Ottawa Toronto et Calgary, il y aurait des pertes significatives pour les contribuables, a indiqué à La Presse Affaires Finn Poschmann, vice-président à la recherche. Ces choses-là se produisent et ce qui a causé un choc aux États-Unis.»

Au Canada, les acheteurs de maisons qui versent moins de 20% comptant doivent souscrire à une assurance hypothécaire. La SCHL est largement dominante dans ce secteur, malgré la présence de quelques concurrents du secteur privé comme Genworth Financial. Seulement l'an dernier, la SCHL a approuvé environ 1 million de demandes, portant la valeur totale des assurances en vigueur à 519 milliards de dollars (selon la dernière estimation de l'organisme). Cela équivaut à environ 30% du produit intérieur brut (PIB) canadien, et c'est beaucoup trop, estime Finn Poschmann.

Le vice-président de C.D. Howe déplore les risques «mal définis» auxquels sont soumis les contribuables du pays. La situation est d'autant plus préoccupante, dit-il, que la SCHL n'est pas supervisée par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), contrairement à ses concurrents dans le secteur de l'assurance prêt.

Selon l'expert, Ottawa devrait placer l'organisme sous la loupe du BSIF et réduire graduellement son rôle dans le domaine de l'assurance hypothécaire pour laisser le champ libre au secteur privé. À la place, la SCHL pourrait épauler les assureurs privés et se spécialiser encore davantage dans la «titrisation» et la «réassurance» des prêts, ajoute-t-il.

Comment Ottawa accueille-t-il ces recommandations? Les ministres des Finances et des Ressources humaines, qui partagent la responsabilité de la SCHL, n'ont pas répondu aux questions de La Presse Affaires au moment de mettre sous presse, hier.

La SCHL n'a pas non plus répliqué aux craintes exprimées sur les risques potentiels pour les contribuables canadiens. Dans une lettre ouverte publiée le 5 janvier dans le Financial Post, la présidente de l'organisme, Karen Finsley, a toutefois tenu à défendre la «position financière solide» de la SCHL. Elle a affirmé avoir en place «les réserves adéquates pour soutenir toutes les polices d'assurance que nous avons garanties».

Malgré le mutisme d'Ottawa, l'institut C.D. Howe espère que son appel à la réforme lancé cette semaine sera entendu.

«Il y a des gens dans le gouvernement qui pensent qu'on doit quitter ce secteur (de l'assurance hypothécaire), a dit Finn Poschmann. Mais il y a aussi un degré de confort. La SCHL existe depuis 50 ans, les banques, les emprunteurs et les prêteurs sont familiers avec ses règles, donc sur le plan politique, il n'y a pas d'urgence à faire une réforme. Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il devrait y en avoir un.»