Les Bourses dégringolent, les mises à pied se multiplient et la confiance des consommateurs est au plus bas. Reste qu'en pleine crise économique, certains braves sont prêts à oser et planifient actuellement l'achat le plus important de leur vie: une résidence. Et ils sont même... en augmentation.

C'est le constat surprenant auquel est arrivée la Banque Royale du Canada en sondant les Canadiens d'un océan à l'autre. Les chiffres montrent que pas moins de 27% des Canadiens ont l'intention d'acheter une maison au cours des deux prochaines années. C'est 4% de plus que l'an dernier, et la plus forte augmentation depuis 2001.

 

Même au Québec, traditionnellement une terre de locataires comparativement au reste du Canada, les intentions d'achat augmentent. Selon le sondage, 22% des Québécois projettent aujourd'hui d'acquérir une propriété, contre 21% l'an dernier et 19% en 2007.

«La situation économique actuelle ne semble pas avoir entamé la confiance que les Canadiens éprouvent globalement à l'égard du marché immobilier», observe Karen Leggett, chef, Financement sur valeur nette immobilière, chez RBC Banque Royale.

Pas pressés

Mais les futurs acheteurs, s'ils déclarent leurs intentions, ne sont toutefois pas pressés outre mesure. Une majorité (52%) d'entre eux pense qu'il est préférable d'attendre l'an prochain pour acheter, une proportion qui grimpe à 56% au Québec.

Qui sont ces braves qui songent à acheter en pleine déprime économique? Il s'agit de gens comme Suzanne Durocher, qui, après 30 ans dans la même entreprise, se trouve aujourd'hui à l'aube de la retraite. Cette résidante de la Rive-Nord de Montréal a décidé d'investir pour déménager dans une maison plus grande... et plus chère.

«Notre maison ne répond plus à nos besoins», explique-t-elle simplement.

Mais ce sont surtout les jeunes qui alimentent cet engouement pour l'achat. Selon les chiffres dévoilés hier, 48% des Canadiens de moins de 35 ans envisagent acquérir une propriété - une forte hausse par rapport aux 36% de l'an dernier.

«Je crois que le pire de la crise économique est encore à venir, dit James Bassil, 31 ans, qui magasine actuellement sa première propriété, un condo au centre-ville de Montréal. Mais de mon côté, la situation est plutôt stable», dit celui qui travaille dans le monde de l'internet depuis maintenant cinq ans.

Danielle Coutlée, directrice, vente stratégique et soutien, pour RBC au Québec, admet qu'elle a été surprise en voyant une hausse des intentions d'achat. «Oui, c'est surprenant. Mais ça peut s'expliquer. Il y a plein de facteurs favorables qui encouragent les consommateurs à acheter», dit-elle.

Le premier nous a été rappelé mardi par la Banque du Canada, qui a encore abaissé son taux directeur, entraînant avec lui les taux hypothécaires variables.

«Quand j'ai acheté ma première maison en 1982, les taux étaient à 12, 13, 14%. Là, on voit des taux à 3,5%. C'est quand même assez intéressant», dit Maurice Marchon, professeur d'économie à HEC Montréal, qui ne se montre pas surpris par les résultats malgré les menaces qui pèsent sur l'emploi.

«Il faut se rappeler que les jeunes d'aujourd'hui sont habitués aux emplois précaires. Ils savent qu'ils ne vont pas conserver le même emploi pendant 50 ans, c'est quelque chose d'intégré», dit-il.

Et il y a les prix. Dans bien des villes canadiennes, ils ont considérablement reculé. Même à Montréal, les derniers signaux montrent un clair ralentissement du marché. Et malgré les légères hausses observées entre février 2009 et février 2008, plusieurs économistes n'hésitent plus à dire que les prix, en fait, ont débuté leur chute (voir autre texte).

Après des années où le marché était favorable aux vendeurs, les acheteurs sentent aussi qu'ils ont maintenant le gros bout du bâton.

Suzanne Durocher, qui cherche à vendre sa maison de la couronne nord pour en acheter une nouvelle, est bien placée pour voir les deux côtés de la médaille.

«On est dans un marché d'acheteurs, tranche-t-elle. On voit des pancartes partout, et certains vendeurs sont un peu mal pris et sont obligés de vendre moins cher.»

Selon le sondage, 65% des Canadiens et 52% des Québécois pensent aujourd'hui la même chose. Les chiffres montrent aussi que 83% des Canadiens et 79% des Québécois considèrent qu'acheter une maison représente un bon investissement.