Denis Richard est agriculteur et il exploite à Leclercville une ferme de 1000 acres entièrement réservés aux grandes cultures céréalières. Il est aussi un fervent promoteur du mouvement coopératif, comme en témoigne le fait qu'il occupe depuis 2003 le poste de président de La Coop fédérée, une entreprise qui se classe parmi les 100 plus importantes coopératives et mutuelles au monde.

La Coop fédérée est la plus importante entreprise agroalimentaire du Québec, en étant notamment propriétaire d'Olymel, mais elle s'est aussi développée dans le reste du Canada et elle est maintenant présente au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan.

«On a connu une forte expansion au cours des dernières années et, là, on se donne deux ou trois ans pour bien réussir l'intégration de toutes nos activités afin de bien poursuivre notre croissance», souligne Denis Richard, rencontré à Québec, en marge du Sommet international des coopératives.

En 2009, La Coop fédérée a doublé la taille de sa division d'engrais et de semences en réalisant les acquisitions des sociétés Agronomy et Welburn Agromart en Ontario.

Traditionnellement, le Québec a toujours représenté la totalité des activités de La Coop fédérée dans ce secteur, aujourd'hui, le groupe québécois retire 50 % de ses revenus de l'Ontario et 10 %, de l'Ouest canadien dans la vente et la distribution d'engrais.

«On réalise maintenant un chiffre d'affaires de 5,5 milliards par année qui atteint pratiquement les 9 milliards lorsqu'on tient des entreprises de notre réseau dans lesquelles on a des participations de moins de 50 %», précise Denis Richard.

Une percée fertile

La Coop fédérée a entrepris il y a deux ans une nouvelle percée dans le secteur des fertilisants en s'associant avec la coopérative indienne Indian Farmers Fertiliser Cooperative (IFFCO) pour réaliser la construction et l'exploitation d'une usine de fabrication d'urée à Bécancour.

Le projet de départ impliquait un investissement de 1,2 milliard, mais il a été revu depuis, à 1,6 milliard, en raison de la hausse des coûts de certains équipements et de la dévaluation du dollar canadien, qui a perdu 10 % de sa valeur entre-temps. L'entrée en exploitation de l'usine a été décalée d'un an et devrait se réaliser en 2018.

«C'est un projet important pour nous. Cette usine va produire 1,2 million de tonnes d'urée par année et on s'est engagé sur une période de 25 ans à absorber 500 000 tonnes par année alors que nos partenaires indiens vont prendre les 700 000 tonnes restantes.

«On est déjà le leader canadien dans la distribution d'engrais minéraux et, là, on vient d'améliorer notre position d'acheteur. Les besoins de la Coop s'élèvent à 300 000 tonnes par année et on s'est gardé une marge de 150 000 tonnes additionnelles, que l'on pourra vendre sur le marché ou conserver pour nos besoins, qui peuvent évoluer d'ici 2018», précise le président.

Denis Richard affirme ne pas être inquiété par la hausse du coût du projet. La coopérative américaine CHS vient d'annoncer la construction d'une usine semblable au Dakota et ses coûts sont nettement plus élevés, à 3 milliards.

La Coop fédérée a pris une participation financière de 10 % au projet de 1,6 milliard, alors qu'IFFCO absorbe 50 % des coûts. Les 40 % restants, qui étaient détenus par Investissement Québec, trouveront preneur au cours des prochains mois.

Pour financer l'expansion des dernières années, La Coop fédérée a collecté pour 250 millions de nouveaux capitaux auprès de partenaires stratégiques. Le Fonds de solidarité de la FTQ, le Fondaction de la CSN, Desjardins capital régional et coopératif de même que Financement agricole Canada ont été parmi les bailleurs de fonds de l'institution.

Développements à venir

Si La Coop fédérée a mis la pédale douce sur les acquisitions pour les deux ou trois prochaines années, elle poursuit néanmoins les projets qu'elle a récemment mis en oeuvre.

Outre la production d'urée à grande échelle, la coopérative - qui appartient à plus de 100 000 membres répartis dans 97 coopératives dans les provinces où elle est active - devra prochainement décider de la suite des choses dans son projet de rapprochement avec le groupe de quincailleries BMR.

La Coop fédérée exploite depuis plusieurs années la bannière Unimat, qui regroupe quelque 175 magasins dans les régions rurales du Québec, et Unimat a pris une participation minoritaire au capital du Groupe BMR, un autre groupe indépendant qui exploite un réseau de 180 magasins au Québec, tous situés à l'extérieur de Montréal et de Québec.

«On a signé une entente avec BMR qui nous donne la possibilité d'acquérir une position majoritaire dans le groupe à partir du 1er janvier 2015. On va décider prochainement si on va réaliser cette option», explique Denis Richard.

Mais le président de La Coop fédérée cache mal son jeu lorsqu'il nous explique les avantages qu'il entrevoit si jamais ce regroupement se réalisait. «Ça nous donnerait là aussi une masse critique que l'on n'a pas présentement. Que ce soit au chapitre des coûts de publicité, des achats regroupés et surtout de la distribution - BMR a trois fois plus de camions qu'on en a -, le regroupement nous permettrait d'aller chercher le meilleur des deux entreprises», expose-t-il.