Héroux-Devtek est le premier fournisseur québécois d'importance à suivre Bombardier au Mexique, une décision qui inquiète les employés du fabricant de trains d'atterrissage et d'aérostructures.

> Suivez Marie Tison sur Twitter

«C'est insécurisant pour tout le monde», a lancé le représentant national des Travailleurs canadiens de l'automobile et des travailleurs de l'aérospatiale du Québec, Pierre Laberge, en entrevue avec La Presse Affaires.

Le président et chef de la direction d'Héroux-Devtek, Gilles Labbé, a annoncé hier la construction d'une usine de fabrication de pièces d'aérostructure à Querétaro, au centre du Mexique, «à distance de marche» de l'usine de Bombardier, mais aussi de celle d'un autre client, Messier-Dowty. Meggitt est installé dans le même parc industriel. Héroux-Devtek a déjà collaboré dans le passé avec ce fabricant de freins et de pneus pour offrir des ensembles complets aux clients. Eurocopter vient tout juste d'annoncer l'établissement d'une usine à Querétaro. D'autres clients actuels et potentiels sont installés ailleurs au Mexique, comme Bell Helicopter et Cessna, établis à Chihuahua, dans le nord du pays.

«Nous voulons croître avec les clients qui sont déjà là et ceux qui vont arriver bientôt, a déclaré M. Labbé au cours d'une entrevue téléphonique avec La Presse Affaires. Nous voulons leur offrir des produits à meilleurs coûts.»

Bombardier est un client particulièrement important: en février dernier, Héroux-Devtek a signé un contrat de 175 millions de dollars pour la fourniture de diverses pièces, comme des nervures et des longerons d'ailes, des cadres de fuselage et d'autres composants de structure. Ce contrat renouvelait certaines ententes existantes, mais il incorporait aussi de nouveaux programmes, comme la CSeries et le Learjet 85.

Investissement de 20 millions

Dans le cadre d'un investissement de 20 millions de dollars, Héroux-Devtek entreprendra la construction de son usine de 47 200 pieds carrés à Querétaro dès ce printemps. L'usine, qui devrait employer de 30 à 50 personnes, devrait fabriquer ses premières pièces au début de 2012. Héroux-Devtek espère agrandir l'usine plus tard pour faire passer sa superficie à 150 000 pieds carrés. L'entreprise pourrait alors y fabriquer des trains d'atterrissage et y assembler des systèmes d'aérostructures.

«On savait que ça s'en venait pour une petite usine, mais ils ne nous avaient jamais parlé d'une possible expansion, a déclaré M. Laberge. Ça va prendre quelle ampleur? On ne sait pas, c'est inquiétant.»

Il a noté qu'Héroux-Devtek avait attendu la conclusion de conventions collectives avec les TCA-Québec à ses usines de Dorval et de Longueuil avant d'annoncer la construction de l'usine mexicaine. Selon lui, une telle annonce aurait pu avoir des conséquences sur les négociations.

«Il y aurait peut-être eu des demandes spécifiques pour conserver le maximum de travail au Canada», a-t-il déclaré.

Le PDG rassurant

M. Labbé a assuré que le transfert de production au Mexique ne se fera pas aux dépens des usines d'Héroux-Devtek au Canada et aux États-Unis.

Au départ, ce transfert touchera surtout de petites pièces et des pièces de taille moyenne actuellement produites à l'usine de Dorval.

«Nous allons remplacer ce travail par du nouveau travail, a soutenu M. Labbé. Ça ne diminuera pas le nombre d'emplois. D'après nous, ça va sécuriser l'emploi.»

Il a expliqué qu'Héroux-Devtek avait de meilleures chances de remporter des mandats s'il fabriquait une partie des composants au Mexique.

Le manufacturier pourrait éventuellement construire une usine en Pologne, suivant ainsi l'exemple de Pratt&Whitney Canada.

«C'est encore quelque chose que nous étudions, mais ce n'est pas pour demain, a déclaré M. Labbé. Pour l'instant, nous avons beaucoup de boulot avec le Mexique.»

Les analystes ont bien accueilli l'annonce de la société Héroux-Devtek, la qualifiant de manoeuvre stratégique.

Le marché s'est toutefois montré un peu tiède: le titre a perdu 5 cents pour clôturer à 8,25$ à la Bourse de Toronto hier.